Le 10 février éclate une véritable bombe dans le monde du cinéma : Bong Joon-Ho, réalisateur sud-coréen se voit recevoir les quatre plus prestigieux oscars : meilleur film international, meilleur film, meilleur réalisateur ainsi que meilleur scénario original. Son dernier film, Parasite, retrace l’histoire de la famille Kim qui, tel un vrai parasite, se mettra à ronger le tableau éclatant de la richissime famille Park.
Lorsque les journalistes lui posent cette question qui semble leur être si chère : « Quels cinéastes vous ont inspiré ? » il cite certains réalisateurs français tels que Clouzot ou Chabrol et d’autres américains comme Scorsese et Tarantino. Pour ce qui est du cinéma français, son influence sur le réalisateur semble bien évidente et cela à travers un élément, souvent écarté de plusieurs analyses, mais qui garde toutefois son importance : la nourriture. Que ce soit Chabrol, avec ses interminables scènes de repas familiaux ou encore potentiellement Kechiche qui scanne chirurgicalement Adèle lorsqu’elle ingurgite ses pâtes à la sauce bolognaise, bon nombre de réalisateurs français accordent une très grande importance à la nourriture dans leurs scénarios. En Corée du Sud, pas de spaghettis, mais plutôt des nouilles aux bœufs pour la famille Park et du pain de mie rassis pour les Kim. La nourriture, ici, véritable marqueur social, accompagne la famille lors de son ascension et la suit de la même manière vers la fin du récit.
La lumière joue également un rôle très important dans ce film. Si elle se fait parfois aveuglante, (notamment le plan ou Ki‑jeong tient la pêche) ou inexistante (lorsque qu’ils se retrouvent au sous-sol), c’est bien pour mettre en avant le caractère dramatique auquel sont confrontés les personnages mais que nous avons-nous même tendance à oublier tant le réalisateur arrive à nous tenir en haleine durant 2 longues heures à travers ce thriller glaçant.
Alors qu’on est carrément lassés de ces si prévisibles drames opposant riches à pauvres, favelas à buildings ou encore haillons à costumes trois pièces comme le fait déjà si bien Ken Loach dans ses films en peignant un portrait ridiculement pathétique des ouvriers qui souffrent, Bong Joo- Ho bouleverse les codes et pointe du doigt cette même classe qui peut se montrer méprisable, répugnante, manipulatrice, cynique et sans scrupules. Ici, le pathos est davantage suggéré que montré, on a du mal à avoir de la compassion pour cette famille faisant davantage preuve de fourberie que de réelle débrouillardise. Chaque protagoniste semble avoir un côté méprisable et pour une fois depuis bien longtemps, le spectateur n’est pas invité à prendre un quelconque parti durant cet immense drame vers lequel les deux familles courent inexorablement. La famille Kim agit non pas par idéologie mais par convoitise et jalousie. C’est à travers les brumes de l’alcool qu’ils ingurgitent dans le salon des Park que l’on comprend que leur unique but est de s’élever socialement : les enfants ne parlent pas de reprendre leurs études mais d’habiter dans cette richissime maison et de se prélasser des heures durant dans « la baignoire des riches ». C’est à travers une mise en scène millimétrée et un humour de potence que Bong Joon-Ho peint les affres de la misère sociale. Ce film, sans l’ombre d’un doute, représente un tournant pour la carrière de ce réalisateur qui semble se tourner vers un cinéma plus personnel certes, mais plus poignant et plus réaliste ce qui explique le succès très largement mérité de Parasite.