On pourrait reprocher au tandem Risi/Gassman de refaire peu ou prou le même film à chaque collaboration. Ici, sur le même canevas que Le Fanfaron, le trajet d’un personnage haut en couleur est le prétexte à une vision panoramique de la société italienne décapée par un trublion peu habitué à la langue de bois et aux bonnes manières.
On pourrait. Il est cependant indéniable que les retrouvailles se font avec plaisir. Alors qu’il réservait son pathétique pour le dénouement dans le Fanfaron, Risi le distille ici assez tôt, expliquant l’acrimonie de son protagoniste par sa cécité et les renoncements qu’elle impose. Se vengeant sur le monde, son jeune accompagnateur et sur les femmes desquelles il ne peut obtenir, pense-t-il, que des amours tarifées pour que n’intervienne pas la pitié, Fausto mêle à sa verve une antipathie jubilatoire. Bénéficiant d’une impunité totale du fait de son glorieux passé militaire et des blessures qui vont avec, il devient l’initiateur de Ciccio à qui il pense ouvrir les yeux sur la véritable nature humaine.
Méchamment drôle, Gassman excelle évidement dans le registre de l’humiliation, des provocations et des blasphèmes, l’occasion de frictionner une société italienne qui n’en demande pas tant.
La tournure que prend le film révélant ses failles auprès de la jeune fille qui l’aime et désire l’accompagner est un peu moins convaincante. S’embourbant un peu dans une escalade du pathétique (le suicide, les amours impossibles, etc), le film s’essouffle d’autant plus qu’il est servi par une esthétique assez moyenne. Le passage à la couleur par Risi n’est pas franchement une bonne nouvelle, et ses sfumato 70’s ont vraiment vieilli, tout comme la musique assez mielleuse qui souligne la sentimentalité de l’ensemble.
Parfum de femme (dont je n’ai pas vu le remake avec Pacino, Le temps d’un week-end, dont les 2h40 et le nom du réalisateur suffisent à me rendre frileux), un brin kitsch et sirupeux sur son dénouement n’est pas le meilleur Risi, mais bénéficie indéniablement de son talent et de celui de son interprète pour croquer la méchanceté et sa légitimité face à une société sclérosée et hypocrite.
(6.5/10)
Sergent_Pepper
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Comédie, Mélo, Mélange des genres, Road Movie et Vus en 2014

Créée

le 19 nov. 2014

Critique lue 1.7K fois

40 j'aime

6 commentaires

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 1.7K fois

40
6

D'autres avis sur Parfum de femme

Parfum de femme
Ze_Big_Nowhere
9

Un doux parfum à l'odeur tenace

Des yeux morts sans lunettes, une main en bois gantée de noir. Des dents blanches et un sourire carnassier. Une barbe bien taillée, un costume immaculé. Un cynisme exagéré et un profond...

le 25 nov. 2013

31 j'aime

10

Parfum de femme
Rawi
9

Critique de Parfum de femme par Rawi

Le génial Vittorio Gassman incarne ici un militaire à la retraite forcée, le capitaine Fausto Consolo, devenu aveugle à la suite d'une explosion. Ce grand acteur italien a d'ailleurs décroché le prix...

Par

le 30 nov. 2012

18 j'aime

2

Parfum de femme
Dagrey_Le-feu-follet
7

Le fauve blessé et la belle amoureuse.

Un jeune soldat en permission Giovanni Bertazzi est chargé d'accompagner durant une semaine Fausto Consolo, un capitaine en retraite, devenu aveugle et ayant perdu un bras, suite à la manipulation...

le 23 mai 2018

13 j'aime

18

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

774 j'aime

107

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

715 j'aime

55

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

617 j'aime

53