Une histoire d’amour improbable à la sauce Aldrich, c’est tout sauf banal et embaumé d’un agréable parfum de rose. C’est même tout l’inverse, le cinéaste n’hésitant pas à corser, plus que de raison, la galerie de personnages complètement allumés qu’il écrit pour l’occasion. Une sorte de relecture poisseuse de la famille Dalton, qui au lieu de faire des farces amusantes sort les mitrailleuses quand l’heure est venue de régler ses comptes.
Entre syndrome de Stockholm on ne peut plus glauque et parallèle gênant qui oppose un meurtrier essayant de se découvrir un cœur et un père aimant qui perd le sien lorsque le fruit de ses entrailles met en péril sa réputation, Pas d’orchidées pour Miss Blandish déroule, sans se presser, mais avec un sens du rythme admirable, une satire virulente de la nature humaine, tout en s’inscrivant, avec un volontarisme saisissant, dans la traînée corrosive du nouvel Hollywood.
Où ce choix extrême de s’entourer de personnages marqués par une exagération sans limite pouvait vite tourner à vide en pus de sembler gratuit, Aldrich parvient à contenir l’exubérance de son script par une subtile montée en puissance de l’histoire d’amour impossible qu’il raconte. Laquelle trouve toute sa puissance dans l’opposition sociale de ses deux protagonistes, la jeune fille d’un bourgeois pas vraiment gentilhomme et le pire rejeton Dalton, dont la caboche un peu malade cache finalement plus de cœur que le père de la jeune femme, réputé pourtant respectable aux yeux du monde par son aisance financière.
Aldrich fait évoluer tout son petit monde dans un climat poisseux qui imprime sur les visages une sueur dégoulinante les rendant tous répugnants. De la belle au bois dormant qui devient aussi repoussante que les défroqués du bocal l’ayant kidnappée, à cette starlette de pacotille qui ne parvient à se rendre désirable que lorsqu’elle est maquillée à outrance et violentée par des projecteurs trop puissants pour que l’on distingue pleinement son visage, tous sont marqués par une fatigue moite étouffant dans l’œuf tous leurs efforts pour se mettre à leur avantage.
Dans ce cadre abject, Aldrich peut alors dérouler son larcin sans se préoccuper du qu’en dira-t-on. Et si l’on peut craindre un retournement de veste de sa part, en dernière intention, lorsque, contre toute attente, il fait tomber sa cendrillon dans les bras du simple d’esprit maladroit qui l’accompagne, il n’en est heureusement rien. Le cinéaste reste fidèle à sa ligne de conduite et conclut son film de la pire des façons pour la morale bien pensante, de la meilleure pour nous, spectateurs un brin déviants. Non sans avoir pris soin de nous proposer un petit hors d’œuvre généreux, l’affrontement sanguinolent entre la famille de la vicieuse ‘Ma, planquée dans son outrancier night club, et toute la force policière de la région, il porte alors le coup de grâce, noir et définitif, typique d’une époque vénéneuse marquée par son absence la plus totale de concessions.
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