Harcèle-moi si tu veux
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le 27 mars 2014
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Dès son premier long métrage, Satoshi Kon frappe fort. Et tant mieux, au vu de la courte carrière d’un des réalisateurs japonais les plus influents qui soient, le cinéaste étant décédé en 2010 après seulement quatre films, tous magistraux, une série marquante, et un segment dans une anthologie que je me dois de voir. Il s’attaque à un genre sciemment évité par ses pairs dans l’animation nippone, dans un thriller psychologique paranoïaque lorgnant du côté de l’horreur, et gère avec minutie tous les postes créatifs, mettant ses doigts dans les moindres détails. Une œuvre sombre qui se révèle être source d’inspiration, une de ses scènes étant remakée dans Requiem for a Dream, la trame globale semblant très proche de celle de Black Swan (Kon et Aronofsky se sont rencontrés en 2001), et Madonna incorporant des bouts du film durant les concerts de son Drowned World Tour.
Des dires de l’artiste, Perfect Blue n’a qu’une thématique : la perte du sens de la réalité. Quel meilleur contexte alors que celui du show-business japonais, une industrie qui broie ses individus, les traitant comme de la viande étiquetée pour satisfaire un public en particulier. Lorsque l’idol de J-Pop Mima décide de rediriger sa carrière vers le métier d’actrice, sa psyché commence à se fractionner entre ce qu’elle est et ce qu’elle veut devenir. Une dualité qui se retrouve dans la divergence d’opinion entre ses deux agents. Un tel revirement dans un tel milieu est forcément brutal : les attendus d’un statut à l’autre ne sont pas les mêmes, et l’image de la popstar doit être radicalement changée. En ce sens, la scène où Mima doit simuler de se faire violer devant les caméras, brisant son aspect lisse aux yeux des audiences, est marquante, tant pour le spectateur que pour la jeune femme. Si l’actrice sait qu’elle joue, son corps ne le sait pas forcément. Inéluctablement, cette transition pose notre protagoniste dans une situation de vulnérabilité. Il suffisait d’une influence extérieure néfaste pour faire basculer les doutes en un cauchemar éveillé.
Crescendo, les questionnements intérieurs de Mima la poussent vers une tourmente, ressentie par le spectateur par un montage de plus en plus emprunt de confusion. Les histoires de Mima, du rôle qu’elle joue dans une série, de ce blog où quelqu’un se fait passer pour elle, et de l’apparition fantomatique de son passé d’idol, se mêlent à ses psychoses. Traumas personnels et scénario de la série s’entremêlent. Les pensées et les récits s’imbriquent les uns dans les autres dans une mise en abîme vertigineuse, créant un dédale où réel et faux sont indissociables, achevant de déboussoler Mima et l’audience. Les ruptures du montage accélèrent tandis que la chambre de notre protagoniste se dégrade au rythme de sa déliquescence mentale et des atrocités commises envers elle et en son nom.
Et je n’irais pas plus loin, laissant le plaisir de la découverte aux malheureux qui n’auraient pas encore franchi le pas. Perfect Blue opère une lente montée de la folie qui lie fond et forme dans une maestria rare. Le film rafle les récompenses du Festival Fantasia à Montréal et de Fantasporto au Portugal, et fait entrer Satoshi Kon au panthéon de la japanimation. Et le meilleur reste à venir…
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Créée
le 11 sept. 2024
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