Harcèle-moi si tu veux
Perfect Blue commence sous les ors du spectacle, la pop japonaise et ses codes si spécifiques : habillées comme des poupées, à la fois petites filles et objets de tous les fantasmes grâce à un...
le 27 mars 2014
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Qu'est-ce que la réalité aujourd'hui et qu'est-ce que le virtuel ?
De nos jours, nous passons tellement de temps pour nous donner la meilleure image possible de nous-mêmes par le biais d'avatars, qui sont censés nous représenter et être la face visible au monde, tellement, que notre être est en conflit entre deux états : la personne et l'avatar.
Si vous lisez mes critiques / analyses ou mes listes ou que vous me parlez depuis un moment sur le site, vous pouvez avoir l'impression de me connaître, et c'est vrai ! Du moins, vous connaissez mon avatar Albator Larson, qui me sert à communiquer mon avis sur des œuvres, exposer mes réflexions et inviter au débat.
Et la question que nous pose le film de Satoshi Kon, Perfect Blue est la suivante : que se passerait-il si nous perdions le contrôle de notre avatar pour devenir une entité qui se met à nous façonner ?
Au premier abord, il est clair que Perfect Blue se distingue de nombreuses productions de l'époque pour s'orienter dans un style encore plus réaliste qu'un Cowboy Bebop, pour aller dans la veine d'un Ghost In The Shell ou un Akira d'un point de vue purement graphique. De ce fait, aucune extravagance ou excentrisme Japonais, mais plutôt des faciès détaillés, bien que peu attirant ou stylisé, alors que le film se plaît à jouer avec le concept réalité / fiction grâce à des plans sur des héroines très stylisées, avec des grands yeux et une expression exagérée.
Les seules personnes de Perfect Blue qui sont catégorisées comme " belles " détiennent des professions comme Pop Idol ou acteur, ce qui permet de sentir le monde dépeint comme proche du notre, rendant quand le film est plus dérangeant la possibilité de se détacher plus difficile que dans une fantaisie.
La violence du film y est ambigue, ce n'est pas un rapport de méchants contre gentils, mais de victimes et d'agresseurs !
C'est dans tous ces conflits que se trouve Mima Kirigoe, chanteuse d'un girl's band très populaire, les Cham, elle décide cependant de le quitter pour poursuivre une carrière dans le cinéma.
Malheureusement, cette décision ne sera pas du goût de tout le monde, son plus grand fan ne sera pas de cet avis et décidera de l'harceler, alors qu'une partie sombre d'elle-même semble vouloir l'empêcher d'aller de l'avant, très vite, cette partie prendra forme sous ses propres traits en costume du temps où elle était encore avec les Cham.
A ce moment là, la réalité et la fiction fusionnent pour nous emmener dans l'enfer de Mima ...
Tout d'abord, la plus grande force de ce film est très certainement la façon dont les conflits de Mima ne semblent jamais artificiels ou voyeuristes en caractérisant Mima en tant que personne qui pourrait exister grâce à la façon dont le film montre aussi bien ses activités professionnelles que son quotidien, les séquences que l'on passe dans l'appartement de Mima permettent d'en apprendre davantage sur elle aussi bien par rapport à sa façon d'être, que ce qu'elle aime : on peut voir des poissons, des poupées, des posters, une Playstation, etc.
Tout cela est mise en œuvre pour renforcer l'empathie et avoir un sentiment de familiarité pour Mima qui lors des séquences plus dérangeantes ne nous laisserons pas de marbre.
L'utilisation des couleurs est également importante dans ce film, le titre Perfect Blue n'est pas dû au hasard comme lors de la scène où l'avatar de Mima prend forme. Dans le plan qui précède son arrivée, on peut voir Mima être recouverte par le rouge ou quand elle doit jouer le rôle d'une femme qui va subir un viol, tout ce qui prépare à cette scène, est dominé par la couleur rouge !
La scène en elle-même a des couleurs qui sont saturées et plus froides à l'exception de son collier et ses boucles d'oreilles qui sont rouges (d'ailleurs le costume qu'elle porte ressemble à celui qu'elle a, au début du film) pour mieux faire une croix sur son ancienne vie de Pop Idol et avancer vers sa nouvelle vie d'actrice.
Les scènes qui suivront sexualiseront beaucoup Mima, mais on ne verra pas ces scènes de sa perspective mais de celle d'autres personnages ou de caméras qui seront contrebalancées par les moments où elle est seule dans son appartement, déboussolée, elle exprima la colère qu'elle a d'avoir cette image.
Voici l'une des peurs que Perfect Blue illustre, nous ne pouvons pas déterminer l'image qu'ont les autres de nous !
Perfect Blue nous montre une personne perdre possession de son identité et même de la notion de réalité et de virtuel, car des scènes qui paraissent se passer dans son quotidien, sont en réalité des scènes de sa série télé (voire même de son imagination comme l'appel qu'elle fait à sa mère qui est en partie imaginaire pour se voiler la face sur le manque de soutien que sa mère lui témoigne que Satoshi Kon nous montre par l'utilisation de la lumière qui est bien plus saturée) nous perdant autant que Mima, il ne reste qu'un flou où se cachent des menaces réelles ...
En effet, tout d'abord le mystérieux Me-Mania, qui malgré ces quelques lignes de dialogues, est absolument terrifiant tout en étant attaché à Mima !
Il nous est présenté comme un agent de sécurité dont on apprend tout ce dont nous avons besoin de savoir sur lui en un plan qui est surement le meilleur du film : 1
Il croit que les producteurs de Mima l'ont poussé à devenir une actrice et l'ont sali, c'est pour cela qu'il passe à l'acte, il ne peut se résoudre à considérer que le Persona qu'il a créé n'est pas identique à Mima.
Satoshi Kon explique lui-même que : " Quand vous regardez le film, vous sentirez parfois que vous vous perdez entre le réel et le virtuel.
Mais après des va-et-vient entre le monde "réel" et le "virtuel", vous trouvez votre propre identité au travers de vos propres forces, personne ne peut vous aider dans le processus, vous êtes la seule personne qui peut trouver un lieu où vous avez votre place.
Voilà dans son essence, tout le concept du film."
Pour rester dans le domaine des stalkers, une affaire similaire a eu lieu ; avec la chanteuse Björk, qui a été la victime d'une tentative d'assassinat à la bombe par un fan, Ricardo Lopez qui a eu le droit à un documentaire réalisé par Sami Saif à partir des vidéos de Lopez.
Bien que l'affaire eut lieu en 1996 et que Perfect Blue a été diffusé pour la première fois en 1997, je doute que Satoshi Kon connaissait cette affaire et c'est justement la coincidence de ces deux affaires qui rajoutent de la tension au film avec ce conflit entre personne et avatar, car là où dans les années 90, seules les personnes avec suffisamment de popularité avaient des avatars, de nos jours, tout le monde en a, voilà pourquoi en grande partie Perfect Blue est un film terrifiant !
Concernant la musique, la BO n'est cette fois-ci pas faite par Susumu Hirasawa (un de mes artistes préférés et compositeur attitré de Satoshi Kon), mais par Masahiro Ikumi, et est divisée en deux parties : une partie joyeuse et insouciante avec des morceaux de pop avec des noms tels que Angel Of Love, Alone But At Ease ou Season et une partie " sombre " composée de : Mima's Theme, Virtual Mima, Uchida's Theme (Me-Menia) et Nightmare, sauf que là où toutes les chansons de cette partie sont des thèmes de personnages, Nightmare n'appartient à aucun personnage du film, de ce fait, Nightmare est notre thème !
Nous sommes le quatrième personnage principal du film !
Fortement inspiré du travail d'Akira Yamaoka sur la série Silent Hill, Nightmare nous symbolise, car le morceau n'est joué que lors des points les plus délirants de Mima, là où le virtuel atteint son pic !
Nightmare évolue pour nous signifier que ce que nous voyons n'est pas "réel", et pour mieux que vous compreniez le film d'un point de vue psychologique, je pense qu'une grande partie du film peut être décrit comme une Folie à Deux (ou psychose partagée), mais là, nous ne sommes pas deux mais quatre ; Rumi qui est symbolisé par Virtual Mima, Mima par son thème, nous par Nightmare et Tadokoro par le thème d'Uchida !
Le fait que des bandages apparaissent et disparaissent des mains de Tadokoro, montre qu'il fait partie du délire, d'ailleurs à part les caids du début du film, personne ne reconnaît l'existence de Me-Mania, il est donc important de mentionner que sur tous les gros plans sur Me-Mania (ou Uchida), Satoshi Kon utilise une lumière très forte qui est le code du film pour nous dire que ce que nous voyons n'est pas réel comme lorsque nous voyons la Mima virtuel qui se révèlera être Rumi.
Donc les thèmes d'Uchida et Vitual Mima sont les thèmes de Tadokoro et Rumi, qui veulent avoir un contrôle absolu sur la vie de Mima au travers de leurs persona délirants, ce qui peut vite être démontré au début du film, où Tadakoro s'énerve en voyant des trouble-fêtes voulant harceler Mima, tandis que Rumi est inquiète par rapport au fait d'annuler le dernier concert de Mima.
C'est cela qui poussera Tadakoro à tuer Shibuya et Murano pour leur faire payer leurs comportements qui ont sali l'image de Mima souligner par le fait qu'il s'agit du thème d'Uchida qui est joué lors de ces scènes et non pas ceux de Mima ou Rumi et encore moins le nôtre ...
La musique de ce film est si bonne, car elle l'un des seuls moyens de discerner la réalité du virtuel (avec l'utilisation des couleurs et de la lumière) !
En bref, Perfect Blue est une expérience à vivre afin de nous remettre en question sur notre rapport au réel, à l'identité ainsi que sur l'importance de l'amour-propre, je ne peux que vous conseiller de voir ou de revoir ce film, avec les informations que j'ai données dans cette critique, il y a de quoi … voir le film d'un œil nouveau ... https://sindarfrom.files.wordpress.com/2014/01/2014-01-19_1121.png
Je vous remercie de votre attention et vous souhaite de ne pas connaître le même sort que Mima …
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Créée
le 2 mars 2019
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