Les relations de surface

Ce film italien, qui ne marquera sans doute pas la postérité, n’en demeure pas moins fort intéressant. Il pointe du doigt les relations de surface que nous avons avec les personnes que nous croy(i)ons bien connaître. Lors d’un dîner, sept amis s’attèlent à un « jeu » : celui de mettre son téléphone portable sur la table et de partager les textos (en les lisant à voix haute), les appels (en y répondant et en mettant les hauts-parleurs), et les photographies (reçues par le biais d’applications) avec les autres convives. Au départ, beaucoup font mine de s’y résoudre sans aucune gêne. D’autres se montrent plus réticents mais finissent pas céder tant cette attitude réfractaire pourrait paraître suspecte vis-à-vis de leurs conjoints. Je fais une courte digression pour signaler que la personne qui suggère ce jeu n’est pas celle qui a le moins de choses à se reprocher. Cependant, il est intéressant de noter que son « secret » ne peut pas, dans le cadre de ce jeu, être divulgué.
Le titre du film (Perfetti Sconosciuti, « parfaits inconnus » en français) est paradoxal à première vue. L’on constate à plusieurs reprises que ces personnes se connaissent depuis plusieurs décennies (du moins pour les hommes) puisque des souvenirs communs sont évoqués à différents moments du film. Alors pourquoi seraient-ils de « parfais inconnus » ? Connaît-on jamais une personne ? Le film répond par la négative à cette question. Plusieurs personnes tombent des nues lors de la découverte de certains faits qu’ils ignoraient.
C’est aussi une critique acerbe du couple qui est livrée dans ce film. Les trois couples présents sont des couples qui dysfonctionnent : les secrets des uns et des autres le montrent aisément. C’est un poncif, et cela fut vrai de tout temps, il n’est pas aisé de faire durer sans difficultés un couple. Le personnage célibataire va jouer un rôle capital dans l’accélération de la chute de toutes ces personnes grâce à la révélation de son « secret » par procuration (je n’en dis pas plus sous peine de gâcher l’intrigue).
Au total, ce sont, ce me semble, les nouvelles technologies qui sont ici visées, et plus particulièrement leur intrusion insidieuse dans nos vies. L’on voit très bien que pour le réalisateur, celles-ci ne tirent pas à conséquence pour ceux qui les utilisent mais qu’elles peuvent être ravageuses une fois que leur utilisation est mise à nue. Il n’a jamais été aussi facile de s’échapper virtuellement pour un moment « ludique », mais jamais aussi facile également de démasquer son alter ego ou celui que l’on croit être comme tel, tant les traces laissées sont nombreuses si l’on commence à les débusquer.
La fin alternative est très réussie et nous montre que beaucoup d’entre nous vivent dans le mensonge. Ç’aurait été le cas de ces personnes si le jeu délétère n’avait pas été lancé.
In fine, on ne sait pas ce que fut la vérité : ce jeu a-t-il eu lieu ou n’est-ce qu’une parenthèse nous montrant la superficialité de nos relations ?