Un nouveau film adapté d’une œuvre de Jane Austen ? Qu’est-ce qui pourrait me déplaire ? Mais d’abord, est-ce vraiment une adaptation ? Prions pour que non !
J’aimerais sincèrement pouvoir me réjouir de voir, à nouveau, au cinéma une si belle œuvre. Les décors, la qualité vidéo et les couleurs, tout promettait quelque chose comme Emma. de Autumn de Wilde, sorti en 2020, mais malheureusement, ce sont là les seules qualités que je trouve à ce film. L’esthétique est jolie, quoique moins propre à nous faire vibrer que le célèbre Orgeuil et Préjugés de Joe Wright, paru en 2005. La musique est convenable sans prétendre à nous transporter et les plans filmés n’offrent pas ce ressort dramatique espéré, si bien qu’on croirait que Persuasion est une comédie. La réalisatrice s’est trompée en pensant que les commentaires d’Anne serviraient à retranscrire cette intimité introspective présente dans le roman. Ce film n’a rien d’artistique.
Enfin, tout cela aurait convenu si ladite interprétation avait été un minimum fidèle. Les seuls personnages que l’on retrouve sont le père, Elizabeth et Mary. Les autres sont dénaturés, dénués de complexité et pas du tout conforme dans leur caractère ou leur physique à leur description dans le roman. Je veux bien passer la mixité complètement anachronique pour le politiquement correct. Mais les sentiments d’Anne sont réduits à ceux de Bridget Jones et sa réserve naturelle, sa manière d’être réfléchie et raisonnable sont gommés pour une pseudo excentricité. On aurait presque l’impression que Wenvorth et Mr Elliot sont séduits par son caractère loufoque davantage que par ses qualités morales, et que c’est également cela qui la rend moderne et anticonformiste. Impossible de penser que son érudition et sa manière de refuser la hiérarchie sociale la rendent moderne !
Ce roman, ma foi, a été lu de travers.
Wenvorth aussi est devenu très plat. Où est passé ce grand romantique ? Cet homme qui ne nie pas à Anne sa sensibilité au nom de l’orgueil masculin ?
Et Lady Russel, cette femme influente et qui, seulement à la fin du récit, accepte de reconsidérer le rang de W., pourquoi prend-elle les airs d’une amie compatissante et sans prétention ?
La scène où celle-ci réconforte Anne n’existe pas, de même que celle où Louisa encourage Anne à reconquérir W., alors que c’est une fille frivole et qui le veut pour elle. A la place de toutes ces scènes inventées et dénuées de sens (Mr Elliot qui embrasse Mrs Clay à la fin), la réalisatrice aurait pu mettre un peu de conversation, car il me semble que seulement un sixième des dialogues a été retranscrit et la meilleure partie est passée à la trappe.
Je préfère oublier que cette adaptation existe, au nom de l’œuvre originale et des lectrices qui sont bien souvent prises pour des amatrices de romance de base, plutôt que pour des intellectuelles qui pourraient apprécier la satire sociale et les personnages nuancés.