Vu le Peter von Kant en avant-première et la question que je me pose c'est de savoir si Ozon a compris ce qu'il reprenait. Film assez superficiel comparé à l’œuvre originale, qui ne garde qu'une théâtralité bancale tant le jeu des acteurs est différent (Menochet est pour la première fois décevant).

C'est aussi, et c'est cela qui m'a sans doute incité au ton de cette critique, un film qui a évacué toute la portée du personnage joué par Hanna Schygulla dans Les larmes amères de Petra von Kant. Toute la puissance d'un sujet où des femmes forment un monde en huis clos, sur un jour, et vivent toute la complexité, toutes les natures du désir et cela en 5 "actes". Dans le film de Ozon, le temps s'écoule mollement, classiquement, comme le désir, qui n'est que l'image d'un type vieillissant, caricature de Fassbinder, pour un minet teinté d'exotisme, qui est un motif fassbinderien d'accord mais très loin du film de 1972 : le personnage de Schygulla était une pauvre fille marquée par un accent rustique déboulant chez une incarnation du bon goût qu'est Petra von Kant jouée par Margit Carstensen. Le désir était inassouvi, ne passait que par des cadeaux, des mots de plus en plus durs, pour témoigner de la fragilité de leur situation, ici on se plait à prendre des airs de David LaChapelle, à exhiber sans trop savoir pour quoi.

Un mot néanmoins de Stefan Crepon qui reprend le rôle de secrétaire soumis, silencieux et brutalement traité, qui se fait observateur puis conclura l'histoire.

On ne saurait d'ailleurs pas comment qualifier ce film : pastiche ? hommage ? adaptation ? Ozon donne l'impression de ne pas avoir compris ce qu'il pillait, de la place de la caméra si pertinente dans le film original, souvent à ras de bassin transformé en gros plans renvoyés comme au tennis, jusqu'à l'absence prolongée de toucher entre les actrices qui passe par un enchainement de scènes de sexe ou suggestives ici, en passant par la place du grand tableau classique (Poussin) en fond remplacé par une allusion grossièrement mishimesque sur Saint-Sébastien et la question des classes en Allemagne dans les années 70, la politique étant la vraie subversion de RWF, très loin des traitements dépolitisés de Ozon. Tout est collage de tas de scènes fassbinderiennes sous formes allusives ((les initiés en ont sans doute repéré plusieurs, prenez par exemple, l'une des affiches du film) mais de Rainer Werner, nulle part.

Ozon enchaine les films médiocres depuis un moment, il ne creuse pas ses sujets, devenant superficiel (le dernier sur l'euthanasie avec H.Schygulla en particulier), tourne un peu à vide... et puis au fond, c'est moche à trop sombrer dans la facilité faussement sophistiquée, c'est encore le cas ici, loin d'une autre de son autre adaptation de Fassbinder, son Goutte d'eau sur pierre brulante (2000) de ses débuts. "Je ne l'aimais pas. Je voulais juste la posséder. C'est fini. J'ai appris ma leçon." nous disait Petra.

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le 1 juil. 2022

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