Il existe de multiples voies pour aborder un passé qui ne passe pas : Phoenix en tente une pour évoquer l’histoire de l’Allemagne au lendemain de la guerre, durant cette trouble période où l’on est contraint à faire les comptes. Entre ce qui collaborèrent, ceux qui reviennent des camps, ceux qui prônent la chape de plomb et ceux qui demandent justice.


La faille de Phoenix réside dans ce qui aurait dû être sa force, à savoir un pitch sophistiqué, propre à entremêler toutes ces épineuses problématiques. Dans un Berlin en ruine, souvent filmé de nuit à l’atmosphère esthétique déréalisante (on pense à la photographique du très poétique In the Mood for Love), le récit tout d’abord saturé d’ellipses entre en résonnance avec les béances d’un pays meurtri. Un visage bandé, une femme mystérieuse et investie d’une mission internationale, un ex-mari aux mœurs étranges : le registre oscille entre espionnage, film noir et thriller quasi fantastique.
Une intrigue retorse va en effet permettre à l’héroïne, altérée physiquement par une reconstruction chirurgicale, de ne pas se faire reconnaitre par son mari qui va vouloir la faire passer pour son épouse, qu’il croit morte, afin de récupérer son héritage. Aussi peu crédible que pourrait l’être un film de De Palma, entre relecture de Vertigo et Obsession, le film s’étiole néanmoins par sa frilosité. A la première entrevue, presque émouvante, où la femme jouant son propre rôle cherche la reconnaissance par une idéalisation amoureuse succède une pesanteur narrative qui surligne les enjeux : un mari méchant, symbole de la mesquinerie en temps de guerre, des amis aveugles, et le trauma des camps, évacué entre une scène confession téléphonée et un suicide bien opportun.


Cette valse-hésitation finit par neutraliser toute implication réelle du spectateur : trop peu crédible pour être bouleversant, trop timide pour générer un véritable malaise. La démonstration, didactique et sans réel cap, opte de plus pour un final en suspens qui achèvera d’irriter les plus sceptiques. C’est d’autant plus dommage que la riche ambiance visuelle invitait à une atmosphère autrement audacieuse, qui aurait pu conduire sur des voies de traverses bien plus retorses.

Sergent_Pepper
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le 7 août 2016

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Sergent_Pepper

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