Il est intéressant de constater à quel point certains acteurs transcendent leur "simple" statut de comédien pour donner vie à un personnage, une figure. Nous avons tout un tas d'exemples à travers l'Histoire du Cinéma mais à mon sens l'exemple parfait connu de tous pour illustrer cela serait sans aucun doute Jim Carrey. Dans les années 1990 il était "THE" actor. Toute la construction d'un métrage se préparait sur son jeu. Que cela soit à travers ses comédies (Ace Ventura, The Mask,...) ou dans des rôles plus sérieux (The Truman Show de Peter Weir,...), il a su s'imposer comme un argument commercial mais aussi un argument artistique. Si bien qu'aujourd'hui encore il est plus fréquent de citer les films dans lesquels a joué l'acteur comme "les films de Jim Carrey" et non ceux du réalisateur. Nous pourrions d'ailleurs citer le documentaire disponible sur Netflix, Jim et Andy, revenant sur le travail d'acteur effectué par Carrey sur le film Man on the Moon du légendaire Milos Forman pour devenir le comique Andy Kaufman (preuve de la force d'un acteur de ce type). À mon sens le regretté Robin Williams fait partie de cette catégorie d'artistes.


De la même façon qu'un Jim Carrey, Williams est associé à un registre filmique proche du comique. Nous assimilons leur visage comme un élément provoquant la sympathie. Cependant le comparatif me semble intéressant du fait que les voir sortir de leur genre "habituel" provoque tout de suite l'événement et l'intérêt du public. Voir ces comédiens offrir une version différente et peut-être plus sombre qu'à l'accoutumée a en effet de quoi susciter les spectateurs.
C'est ainsi que nous pûmes constater que Carrey n'était pas seulement un acteur de comédie, il sait littéralement tout jouer. Les oeuvres plus sombres dans lesquels il apparaît ont séduit et impressionné le public au point d'en rendre certaines cultes (The Truman Show (encore une fois), Le Nombre 23, Eternal Sunshine of the spotless Mind,...). A mon sens, Photo Obsession (ou One Hour Photo en VO) est un peu le virement de carrière de Robin Williams.


Je précise que rien de ce qui suis ne rentrera dans les détails de l'intrigue.
Le long-métrage propose de suivre Sy Parrish, un homme solitaire et perturbé travaillant dans un centre de développement photo dans une grande surface. Il est régulièrement en contact avec la famille Yorkin du fait qu'il s'occupe de leurs photographies. Ces derniers symbolisent la petite famille parfaite et Sy ne peut s'empêcher de suivre leur évolution en doublant les images développées pour en garder toujours une copie pour lui à leur insu, il vit par procuration. De cette manière il suit la vie de cette famille et pense en faire partie d'une façon, certes malsaine, mais procurant tout de même une affection pour ce personnage empli de solitude. Il n'est pas méchant, juste seul et perturbé mais rempli de gentillesse. Cependant, suite à un quiproquo, il découvrira grâce à des clichés extérieurs que le mari des Yorkin trompe sa compagne. Pour Sy c'est un événement dramatique qui va le pousser à perde tout pied avec le bon sens et agir.


Sans en dire plus vous constaterez bien vite que Robin Williams interprète ici un personnage ambigu. Perdu entre sa gentillesse naturelle et sa folie naissante. Beaucoup de films ont tenté de rendre un personnage dérangé mental attachant mais peu ont réussi à la façon de Photo Obsession selon moi. Williams est parfait dans le rôle. Il est à mon sens d'autant plus fascinant à le regarder jouer dans ce long-métrage depuis sa mort. Nous avons tous la vision d'un homme gentil et aimable cherchant à faire le bien autour de lui. Un grand enfant qui nous aura fait rire mais aussi pleurer. Ce n'est pas pour rien qu'il s'agit probablement de l'un des décès d'acteurs ayant engendré le plus de larmes. Il est vu comme un modèle de par les personnages qu'il représente et joue mais aussi par sa personnalité dans la vraie vie malgré sa dépression. Visionner le film aujourd'hui revient à voir non seulement la part d'ombre chez l'acteur mais sa volonté à se réinventer tout en le fusionnant avec ce qu'il a déjà pu faire par le passé. Comme Jim Carrey, Robin Williams sait tout faire. Sy est un personnage créant une empathie naturelle malgré ses réactions et habitudes parfois terrifiantes. Je ne peux malheureusement pas entrer dans les détails au risque de vous révéler certaines séquences clés du film mais je peux parler du fait que nous alternerons entre beaucoup d'émotions (ce qui est finalement le but premier recherché au cinéma). Nous passerons de la joie, à la tristesse au désespoir face aux actions d'un homme désespéré et hanté par des pulsions parfois malsaines. Seul le point de vue de Sy fait avancer le récit ce qui nous plonge en fait dans sa peau du début à la fin du métrage. Il s'agit clairement d'une histoire bousculant notre subconscient et ne nous laissant pas indemnes.


En faisant quelques recherches, pas mal d'analystes/critiques ont parlé de la couleur au sein du film comme un symbolique ce qui est totalement vrai. Le rouge et le blanc seront les plus importants du film. Sy est blanc, symbole de sa solitude là où la famille est rouge. Il veut combler cette neutralité par une couleur vive. La réalisation de Mark Romanek (également réalisateur de Never Let Me Go que je n'ai actuellement pas encore vu) est impeccable et traite cette symbolique de façon ludique et esthétique proposant une vraie identité visuelle au film. Il filmera le personnage de Williams au plus près nous plongeant presque dans sa peau et ses psychoses avec brio.


Je suis resté très vague ici et principalement sur le sujet du jeu d'acteur car il est le centre du film. Comme dit au cours de ma longue introduction, Williams fait partie de ces acteurs créant le long-métrage autour d'eux-mêmes et c'est d'autant plus le cas ici avec cette ambiguïté de personnage.
Nous pourrions regretter quelques éventuels moments creux mais ne venant à aucun moment remettre en question la qualité de ce métrage à mon sens trop peu connu. Nous pourrions également citer le film Insomnia de Christopher Nolan détournant également les habitudes de Williams en terme de personnage mais il est à mon sens bien moins intéressant et réussi que le présent métrage.


Vous l'aurez compris, je vous encourage donc à visionner de toute urgence cette petite perle de cinéma qui est à mon sens probablement l'une des meilleures performances d'un acteur hors normes ayant laissé un grand vide derrière lui.

Vladimir_Delmotte
8

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Créée

le 22 mars 2020

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