La reconstruction d'une mère
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Comment faire le deuil d'un enfant qui n'a vécu que quelques minutes? Pieces of a Woman traite avec justesse ce sujet difficile, délaissant cependant parfois la forme au profit du fond.
Pour peu que l’on ai lu ne serait-ce que le synopsis, le dénouement des premières scènes du film, notamment de l’accouchement, ne nous est guère inconnu, et malgré une issue inévitable, le début du long-métrage est réalisé d’une main de maître. Les 20 premières minutes du film sont très réussies et engagent le spectateur auprès des personnages, notamment grâce à ce long plan séquence éprouvant au cours duquel la protagoniste accouche, accompagnée d'une sage-femme et de son compagnon. La tension reste palpable du début à la fin de cette séquence. Toutefois, la suite du métrage est beaucoup plus laborieuse et peine à engager de la même manière le spectateur à cause d'un rythme trop saccadé.
En effet, si le film, se déroulant sur une période de 8 mois, est découpé de manière à explorer une "séquence" par mois afin d'exposer la déliquescence morale progressive des protagonistes, il manque clairement de rythme. Ce découpage, bien que pertinent et symbolique, picturalement avec la construction du pont et moralement pour représenter les différentes étapes du deuil, néglige la subtilité.
Malgré cela, ces instants pris un par un illustrent parfaitement une descente aux enfers, les personnages portant chacun les stigmates du deuil à l'image: les inserts tout au long du film sur les mains de Vanessa Kirby et l'état de son vernis étant une habile métaphore de son état durant les séquences. Le film insistera par ailleurs sur le fait que tous les protagonistes essayent de faire face à ce deuil de différentes manières, que ce soit par l'alcool et le sexe pour le personnage de Shia Laboeuf ou la quête de justice pour le personnage d’Ellen Burstyn. Il y a d'ailleurs une réflexion intéressante sur la question de la responsabilité de la mort du nourrisson: le film nous met face à l'idée d'une justice partiale où le coupable est tout désigné, ce qui peut sembler absurde pour le spectateur qui a assisté à l'accouchement en début de métrage.
Cependant, ce n'est pas par la voie de la justice civile que la protagoniste pansera ses plaies mais bien en comprenant que cette mort est dénuée de coupable. Un propos appuyé notamment par la germination des pépins de pomme qui, bien qu'incomplète, permet à la jeune femme de comprendre qu'elle est toujours capable de donner la vie mais que celle-ci n'est pas une science exacte. La pomme est d'ailleurs un fort symbole tout au long du film: le personnage les mange au début de son deuil parce qu'elles lui rappellent l'odeur de son nourrisson avant de se servir de cette expérience pour avancer, la pousse des germes symbolisant l'acceptation de son deuil et l'espoir retrouvé.
Inutile de préciser que l'intégralité du casting est d'une grande justesse. La performance de Vanessa Kirby est à saluer même si il était clair, après son expérience dans The Crown, qu'elle savait habilement jouer le désespoir. Shia Laboeuf est lui aussi très touchant dans son rôle de compagnon éploré, triste témoin de la déliquescence de sa relation.
Un an après Marriage Story, Netflix semble ainsi de plus en plus miser sur des films à fortes performances d'acteur. Il reste toutefois dommage en l'espèce que la forme, notamment au regard de la subtilité du montage et du rythme, ne soit pas tout à fait à la hauteur du fond.
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Créée
le 8 janv. 2021
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