Piggy
6.6
Piggy

Film de Kieron Hawkes (2012)

"La violence est l'arme des faibles"

Les signes extérieurs (affiche, script, promotion) indiquent un film de violence complaisant, voire un torture-porn conventionnel, dégueulasse sans trop sombrer à proximité du snuff ou des objets malades (A Serbian Film, The Butcher et toute la démente compagnie). Comme Piggy se situe au-dessus de cette boue, on l'a beaucoup loué parmi ses quelques spectateurs. C'est un drame ambitieux, soigné (photo maniérée de James Friend), lourd de sens et cherchant à embrasser la complexité. La bêtise la plus grasse est ainsi esquivée, les formes sont plutôt raffinées pour un produit penché sur les bas-fonds, mais la vulgarité dégouline et continue de l'emporter. L'exploitation pure aurait sûrement donné un résultat moins digne, mais la différenciation que Piggy croit gagner est moisie. Le problème de ce film, manifestement très réfléchi, est d'être guidé par une compulsion à l'évitement.


Piggy est une belle (et délicate) croûte post-moderne posée sur le vigilante, le torture-porn et l'ensemble des films de violence 'initiatiques' ou servant la catharsis d'un personnage dévirilisé (ici, un poltron vivant dans un univers hostile et souillé par le crime). Impossible de ne pas songer aux productions récentes dans le genre principal : l'australien John Doe:Vigilante, les britanniques Harry Brown, Eden Lake et surtout Citadel. Tous les motifs mis en avant et par lesquels Piggy clame ses invitations au doute sont pompés à divers degrés sur des films de vengeance (parfois extrêmement fameux) contenant une leçon sur le sujet ou une crise de ces alter ego « sauveurs » permettant le dépassement de soi (parfois empoisonné, ou poussant à l'absurde). Piggy apporte le salut mais sa superbe est toujours un peu entamée, sa nature de vampire excentrique sous emprise d'une drogue quelconque semble précéder sa bienveillance. Ce coach a des airs du type de Dead man's shoes pris avant l'égarement. La vraie nature du prophète est peu maquillée, avant se laisser ouvertement deviner en milieu de parcours (pendant la séquence avec l'amie passée se confier et la promesse de retrouver les assassins).


Sous ses tours de passe-passe, Piggy ne fait jamais qu'annôner que la violence est une vilaine chose et renvoyer littéralement à l'adage « La violence est l'arme des faibles » (Joe mis face à ses vérités apprend qu'il faut être sans caractère comme lui pour exceller dans le domaine). Cependant il faut capitaliser sur les promesses de genre, jouer avec le glauque, alors les dérapages s'accumulent pendant qu'une petite voix vient toujours interdire leur expression complète – comme si la pudeur était gage de sensibilité. Piggy est un enfilage de pubs Instagram jouant de la lyre (le pire : ces babillages de groupie transie devant son ''grand frère'' démarrant par « Piggy was », « Piggy said » – Piggy et sa philosophie ont changé ma life). La vanité stérile de ces postures n'empêche pas pourtant de flirter effectivement avec le vraisemblable, d'esquisser un tableau général fort. Mais en commentant abondamment ce qu'on liquide par ailleurs, décoller n'est pas possible. La volonté de créer l'empathie gâche le film en exigeant un cumul de censures profondes, pendant que la surface ressasse ces motifs ripolinés.


Au final, il ne reste qu'à se confondre dans les caricatures, jouer du violon et sombrer dans la niaiserie. Piggy est un film qui passe son temps à réciter ses intentions, à les illustrer comme s'il était une bande-annonce interminable pour enfants dont il s'agirait de guérir en douceurs les mauvais instincts. Il refuse de résoudre pour préférer endormir, ce qui lui permet après tout permet de se conformer au rapport au monde extérieur du personnage principal. Enfermé dans la violence et ses ambivalences, Joe (Martin Compston) peine à assumer sa haine par lui-même ou comme telle, se condamnant à répéter les mêmes erreurs, les mêmes constats. Mais lui trouve subtilement un moyen de résoudre ses tensions, à s'affirmer et réprimer son sentiment d'absurdité ; le film en lui-même refuse carrément de laisser ces tensions se gonfler, en s'appliquant à les décorer (et les nommer avec une intuition de sermonneur pathétique pour ménagères émoustillées). C'est un peu comme un Citadel transformé en gros sketch inhibé, couvrant le désert par des images éloquentes.


https://zogarok.wordpress.com/

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le 2 avr. 2016

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