Dans la série du retour sur les films emblématiques de ma prime jeunesse, The Wall a un statut particulier. L’album dont est tiré le film s’inscrit lui-même dans ces singularités de l’initiation à la culture : ce qu’on y rencontre en premier aura toujours un éclat particulier. Découvrir Pink Floyd par The Wall semble une hérésie, c’est pourtant ce que le hasard fit pour moi, de même façon que ma génération a commencé avec le Scarface de De Palma ou la suivante avec l’Episode I de Star Wars. Longtemps, The Wall fut pour moi un album gigantesque, et du haut de ce que je considère aujourd’hui davantage comme des boursoufflures, une déclaration poignante de ce que pouvait être le mal-être et le lyrisme rock.
Déclaration préliminaire un brin longue pour expliquer le rapport au film, qui jusqu’à aujourd’hui était noté 9/10, et que je n’avais pas revu depuis une bonne dizaine d’années.

Deux images résument bien le propos et sa formulation du film : les marteaux, et l’entonnoir dans lequel on jette les élèves.
C’est effectivement avec la subtilité d’un pied de biche sur une plaque de métal que Parker aide Waters & consorts à marteler leur démonstration. Mises en parallèles constantes entre la guerre et les émeutes sociales, entre les violences policières et le fascisme, état des lieux exhaustif de tout ce qu’un groupe de rock peut dénoncer, (l’Histoire, la Société, l’Idéologie, la Psychanalyse, l’Education)… The Wall est un film fourre-tout et névrotique, clinquant et poseur, qui semble tout de même scénarisé par un gamin de 16 ans.
Un clip a le mérite et l’intérêt de ne durer que 4 ou 5 minutes. Ici, c’est interminable, et l’on a du mal à en tenir 95 sur ce catalogue d’images nerveuses tirant sur tout ce qui bouge.
Encore peut-on y voir un certain esprit rock et une hargne punk qui se fourvoierait dans ce que commencent à produire les 80’s naissantes, trop emphatiques pour être honnête.
Le problème réside dans la destinée individuelle du protagoniste, dans laquelle se projette Waters. D’une lourdeur sans pareille, ce parcours d’un orphelin de la guerre castré par maman est répété et surligné en permanence, occasionnant des séquences au mieux pénibles, au pire grotesques (comme le sang dans la piscine, par exemple), à l’image de ce que sera le gouffre The Final Cut.

Il reste la musique. Celle-ci ayant fait une impression quasi indélébile dans mes oreilles juvéniles, le frisson demeure sur des titres comme Run Like Hell ou Confortably Numb, et certaines séquences sont réussies, fluides et assez bien montées.

La véritable identité du film s’inscrit finalement dans ses séquences animées, qui semblent paradoxalement avoir moins mal vieilli que le reste. Quitte à s’épancher dans l’hyperbole, autant y aller à fond et déployer les métaphores dans toute leur ampleur. Ces images de fleurs phalliques et carnivores, ce mur qui défonce le paysage, ces contrées dévorées par la dépression accompagnent bien les mélopées synthétiques et dépressives de l’album.

Mégalo et juvénile, The Wall est un moment du passé. Il faut y cogner au bon moment pour s’émouvoir de son esthétique de parpaing.
(6,5/10)
Sergent_Pepper
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Poussif, Musical, Psychologique, Film dont la musique est un des protagonistes et La drogue, c'est mal.

Créée

le 25 oct. 2014

Critique lue 3.3K fois

65 j'aime

4 commentaires

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 3.3K fois

65
4

D'autres avis sur Pink Floyd: The Wall

Pink Floyd: The Wall
Sergent_Pepper
7

Tous les parpaings du monde.

Dans la série du retour sur les films emblématiques de ma prime jeunesse, The Wall a un statut particulier. L’album dont est tiré le film s’inscrit lui-même dans ces singularités de l’initiation à la...

le 25 oct. 2014

65 j'aime

4

Pink Floyd: The Wall
guyness
5

Peinture murale

S'il y a bien une chose qu'il n'est pas de bon ton à dire à propos de "The Wall", c'est: "le film bof mais les parties animées sont superbes". Ça fait benêt. C'est pas critique convenable. Tous les...

le 14 juin 2011

44 j'aime

7

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

774 j'aime

107

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

715 j'aime

55

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

618 j'aime

53