Un aperçu terriblement réaliste de la Guerre du Viêt Nam

J'ai récemment revu Platoon en version restaurée et ai tout de suite été subjugué par la splendeur de la photographie et par la densité, le rythme, le réalisme et l'horreur de l'histoire. Pendant les près de deux heures que dure celle-ci, on n'a absolument pas le temps de souffler. La tension dramatique, présente dès le premier quart d'heure, va crescendo tout au long du film, jusqu'à l'ultime déchaînement de violence et au bref épilogue.
La totalité du temps du métrage est consacrée à une évocation de la guerre du Viêt Nam, au moment où celle-ci battait son plein (l'action du film se déroule en 1967-1968). On est complètement centré sur cet affrontement (au niveau du montage, il n'y a rien à enlever).
La première scène de Platoon montre un gros avion transporteur débarquant des troupes fraîches (jeunes recrues et volontaires américains) et la dernière montre l'évacuation des morts et des blessés vers l'arrière, par voie aérienne.


C'est le paradoxe de ce genre de film, l'image en est à la fois, ou successivement, superbe et horrible. Superbe, c'est notamment le camaïeu de vert que nous offre la jungle dans laquelle on est plongé 98% du temps. Horrible, c'est tout ce qu'on découvre petit à petit sous cet écran de verdure.
Les jeunes recrues américaines (ou "bleus"), à peine arrivés dans un camp militaire où bivouaque une partie de la division d'infanterie à laquelle ils sont affectés, sont répartis dans différentes sections (ou platoons) et le film s'attache aux faits et gestes du seul platoon (une petite vingtaine d'hommes) dans lequel sont versés Chris Taylor / Charlie Sheen (qui va être le narrateur de l'histoire et dont on va voir évoluer le point de vue et le comportement au fur et à mesure des péripéties ) et deux ou trois autres "bleus". Ce platoon est presque immédiatement envoyé dans la jungle en mission de reconnaissance de l'avancée des troupes vietcongs adverses.
Pour les jeunes recrues, c'est, avant même d'être confrontées à l'ennemi, presque tout de suite l'enfer. La jungle est si dense qu'on n'y progresse que machette au poing et, bien sûr, elle regorge de bestioles voraces ou venimeuses (fourmis rouges, scolopendres, tiques, sangsues, serpents, etc.). Le soir, alors que les soldats de la patrouille sont exténués, il faut encore assurer la veille et donc son tour de garde, certains s'assoupissent à leur poste et c'est bien sûr le moment que choisissent les forces vietcongs pour attaquer et tuer les moins chanceux.
Le réal. Oliver Stone a fait la Guerre du Viêt Nam et y a été blessé deux fois : il sait de quoi il parle et ça se sent. Il décrit avec beaucoup de vérité et de réalisme l'esprit de corps, l'amicale complicité unissant les éléments de la section dont on suit les tribulations. Il souligne également les peurs, soubresauts, rivalités extrêmes qui agitent ces soldats supposés être unis dans l'adversité : lieutenant sans réelle expérience de ce genre de guerre, sous-officiers (sergent et sergent-chef : Willem Dafoe, Tom Berenger) très expérimentés mais de caractères et "philosophies" opposés, troufions basiques (blancs ou noirs) généralement d'extraction sociale très basse. Quand viennent les premiers et sérieux accrochages avec le Vietcong, l'esprit de corps et le sang froid du groupe sont mis à rude épreuve. Ensuite, les comportements violents (comme une sorte d'échappatoire à la peur intense déclenchée par les premiers tués du groupe) et de vengeance aveugle envers "les Vietnamiens" (qu'ils soient soldats ou simples paysans, jeunes ou vieux) vont l'emporter sur tout le reste ou presque.


Le film nous fait, sans doute plus que tout autre, toucher du doigt ce qu'a dû être la Guerre du Viêt Nam. La reconstitution de l'affrontement final entre Vietcong et forces américaines (particulièrement, le platoon envoyé en patrouille et en éclaireur) est, elle aussi, d'une intensité et d'un réalisme extrêmes.
Les acteurs, parfaitement dirigés par Oliver Stone, sont tous très crédibles. On finit presque par, sinon s'attacher aux personnages qu'ils jouent, du moins à les plaindre ou les prendre en pitié malgré leurs excès violents. On croit en leur réalité. Et on se réjouit pour ceux qui finalement réchappent de cet enfer.


En résumé donc, un film très prenant, à la fois magnifique, horrible, extrêmement violent... et néanmoins, je pense, une oeuvre d'art (indépendamment des 4 Oscars obtenus en 1987).

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le 5 août 2018

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Fleming

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