"Poing de force" porte bien son nom car c'est film coup de poing qui, par un véritable tour de force, dissimule une romance extraordinaire. Même s'il s'oppose aux traditions de tourner et de produire, ne classez pas trop vite ce film dans le rayon "Nouvelle Vague" car il va au-delà d'un courant en s'accaparant de nouvelles caractéristiques formelles et esthétiques. Ainsi, le côté "expérimental" pourra choquer certains conformistes car, ici, c'est toute la grammaire du cinéma qui est remise en question.

Par l'intermédiaire d'une figure de style inédite, ce vrai/faux documentaire s'engage par une pré-introduction (sorte de préface cinématographique) qui permet de passer à l'introduction elle-même, qui se prolonge jusqu'à en devenir incessante, voire même captivante. Par l'entremise d'une ardente parade, est mis en avant une relation peu platonique qui laisse volontairement les sentiments au second plan pour laisser place aux seules sensations du rapport romantique interprété dans toute sa passion et son repoussement des limites.

La mise en scène est bien huilée et permet de rattraper un scénario plutôt convenu : deux jeunes personnes désireuses de se rencontrer engagent un rapport par une approche introspective. Encore un n-ième film de romance : du déjà vu me direz-vous ? Attention tout de même à bien différencier cette œuvre de celle d'un Eric Rohmer, par exemple, qui n'aurait pas hésité à filmer en extérieur plutôt qu'en huis-clos, et qui aurait donné une large place aux dialogues. Ici, le dépouillement de la trame rejoint celui du discours, puis celui des acteurs, pour atteindre, dans un final paroxystique, la contemplation de l'être dans ce qu'il a de plus profond. Comment atteindre ce qui se cache dans les tréfonds les plus reculés d'un être ? Un examen fouillé et méticuleux de l'intimité permettra aux deux protagonistes iconoclastes de s'appréhender l'un et l'autre. Par la quasi absence de récit, la tension devient palpable. Le sentiment est toujours retenu et jamais aucun frein ne vient empêcher l'intense introspection. Les intentions s'inter-pénètrent dans une large mesure afin de laisser toute l'amplitude nécessaire à la volonté de toujours aller plus loin. Certains chemins ou détours peuvent parfois paraître compliqués mais, au final, s'avèrent toujours instructifs.

Un petit bémol tout de même : qu'il en plaise à certains, après la scène de l'approche, une scène assez décousue laisse entrevoir l'anfractuosité principale du film ; celle-ci sera exploitée avec beaucoup d'appui. Trop diront certains, pas assez pour d'autres.

Concernant la réalisation, un travail acoustique hors du commun permet d'accompagner le tangible vers les abysses d'un univers qu'on croirait, au départ, insondable. La sobriété de l'image fait écho à l'austérité des décors. Les codes sont bels et biens épurés pour mettre en valeur le contenu, dont la lecture n'est pas perturbée par un habillage qui serait trop stylé ou sophistiqué, et qui convient bien à cette atmosphère voluptueuse. Car, oui ! "Poing de force" provoque une jouissance intellectuelle que les plus réfractaires ne pourront point souiller.
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le 13 déc. 2011

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