C’est avec le générique de la première saison de l’animé Pokémon en tête que j’écris ces premières lignes pour me pencher sur la curiosité qu’est cette tentative de transposer un univers mignon et coloré dans un buddy movie live plus désillusionné. Et pas n’importe quel univers puisque le phénomène Pokémon, comme pour la musique de Queen, la saga Star Wars, Dragon Ball ou moult héros de comics, il est inscrit dans notre culture populaire que l’on soit fan, qu’on ait grandit avec ou pas.


Des cartes dans les cours de récrés pour les plus jeunes en passant par la sortie cinéma du tout premier film ou encore le dessin animé diffusé sur TFOU, il est au phénomène culturel du début des années 2000 ce qu’a été La Reine des Neiges à partir de 2013, à défaut d’aimer (et dieu sait qu’il y a un paquet de rageux dans les deux cas pour piquer une crise que ça soit sur les nouvelles générations de Pokémon ou le classique Disney) c’est impossible de ne pas en avoir entendu parler. Et ayant grandit jusqu’à la quatrième génération avant de passer à autre chose, c’est avec des gros yeux de hiboux sortant des globes oculaires que j’ai penché le regard sur cette version live en toute apparence invraisemblable.


Pourquoi adapter spécifiquement Détective Pikachu si ce n’est que pour mettre à l’écran le plus populaire des Pokémon (ou du moins l’un des plus populaire) ? Pourquoi le format Live alors que jusqu’à présent les vidéos amateurs du net se sont surtout amusés à en faire des parodies désabusés, cynique et noir d’un univers à la base mignon ? Est-ce que ça peut passer en version live là ou d’autres projets de transposition d’élément animé se foirent dans les grandes lignes ? D’autant que là ça touche au sacré pour beaucoup de fans et qu’un simple rien suffirait à enclencher un raz de marée de critiques acerbes (inutile de citer un exemple récent, vous en avez surement une idée).


Mais pourtant, de cynisme ou de vision glauque il ne sera pas question car Rob Letterman décide de s’adresser au public phare. Parfois pour le meilleur car en termes d’immersion, ce film étonne positivement par sa volonté de rendre crédible et cohérent la cohabitation entre humains et Pokémons. Ryme City est d’ailleurs le principal vecteur de potentiel pour cette version live par l’urbanisation des Pokémons au sein de la société humaine : on voit les Pokémon Vol apporter le courrier à des employés en plein travail, contribuer au service public en facilitant la circulation en ville, servir d’assistant sur un plateau de télévision ou encore servir d’animal de garde auprès des forces de l’ordre (Snubull de l’inspecteur Yoshida joué par Ken Watanabe).


D’une manière générale, il y a un travail majoritairement réussi et finalement j’ai adhéré la grosse majorité du temps pour les designs modélisés des Pokémons. Letterman les filmant comme des êtes vivants à part entière et non comme des démonstrations technologique tape à l’œil ou criarde. Ce n’est pas exempt de certaines fautes de goûts (la modélisation pour Dracaufeu et Léviator est hideuse mais alors Mewtoo avec les dents… ça m’a rappelé l’horreur de Sonic en Live prévu en fin d’année) mais au final plus de réussite et de mixage réussi que d’échec (Pikachu est adorable comme tout à regarder, les Amphinobis, les Bulbizarres et les Torterras passent très bien également).


Mais il reste hélas entoilé à son statut initial de franchise pour la jeunesse. Puisqu’à vouloir rester accessible au grand public, il s’auto-infantilise plus d’une fois et se contente souvent de proposer du réchauffé côté écriture pour un film d’enquête et surtout pour un film Pokémon qui a du mal à faire la bonne part des choses entre l’humour enfantin et pas super drôle de Pikachu (dire qu’on a failli avoir Dwayne Johnson pour le doubler et qu’on se tape Ryan Reynolds à la place) et les séquences plus pesantes et dramaturgique autour de Tim Goodman et de son père présumé mort.


C’est d’ailleurs quand il veut faire rire qu’il se plante trop souvent, le visuel comme le background de Tim ne se prêtant pas tellement à la comédie. Si en plus on passe par les clichés énervants comme Tim qui a la sensation de parler à un "ami imaginaire" sous prétexte qu’il est le seul à comprendre verbalement Pikachu, celui-ci qui fait une remarque sur ses mots d’estomac après avoir fait un excès de caféine ou une remarque qui se veut marrante dans une situation critique mais l’inspiration n’étant pas en bon terme avec le déroulé du scénario.


A croire que Nicole Perlman la scénariste n’arrivait pas à se mettre totalement d’accord sur le ton à prendre, la schizophrénie du ton handicapant le mixage bien souvent. Une schizophrénie qui finit même par se confirmer dans l’instrumentation d’Henry Jackman, et n’aide pas à être happé par les tentatives d’être drôle du film alors qu’en tant que tel les morceaux ne sont pas trop mal.


Et si Détective Pikachu s’en tire mieux lorsqu’il se pose pour s’intéresser à ses personnages et développer l’amitié entre Tim et Pikachu, tout ce qu’on pourrait reprocher en terme d’enfantillage dans l’univers Pokémon côté histoire finit par se manifester alors qu’avec une vision moins manichéenne et moins prisonnier de son héritage culturel, il y avait du potentiel à creuser.


On n’attend pas la dizaine de minute pour deviner qui sera le vrai bad guy derrière la conspiration sur laquelle Tim et Pikachu seront amenés à enquêter envers et contre tout. Sauf que comme beaucoup de films post an 2000, Rob Letterman fait l’erreur de croire qu’on peut encore être surpris par l’identité de l’antagoniste alors que sa gueule suffit très souvent à trahir le bonhomme (ou la femme dans certains cas comme Les Indestructibles 2), et en 2019 en plus. Quitte à faire un méchant évident, autant reprendre la Team Rocket (ou une autre Team) et la modéliser pour l’adapter au style plus réaliste des Pokémons et de l’univers ou évoluent les personnages.


D’ailleurs quitte à faire un scénario déjà exploré, ça serait bien aussi d’éviter les écueils d’écriture simpliste


comme l’idée qu’on peut s’introduire dans un centre de recherche sans qu’il n’y ait de caméra de surveillance sur place. Ou le fait de ne pas se demander pourquoi le PDG d’une immense société nous invite à le voir dans ses pièces privés pour avancer dans l’enquête sachant que seul le nom du père disparu le lie à la société (la présentation et le petit speech d’Howard Clifford achève d’en faire le méchant évident par ailleurs).


Même l’enquête devient une source de déjà-vu qui empêche toute surprise de venir nous claquer à la gueule. L’aspect buddy-movie vendu dans la BA est basique au possible, la rencontre entre le duo étant au final expédié et interrompu bien vite et Tim étant limité en terme de background à ce moment là (Pikachu ça passe mieux puisque le public est très familiarisé avec cette boule de poile électrique). A son crédit le film se rattrape lorsqu’il se penche davantage sur les buts de nos deux héros et sur le pourquoi de leur parcours


(la confession de Tim envers Pikachu sur la distance installé entre lui et son père a beau ne pas être bien original, les mots sont bien choisis et Ryan Reynolds s’abstient de faire la moindre cassure de ton malvenu).


Que dire aussi de la sous-exploitation de Ken Watanabe et de l’inspecteur de police qui semble pourtant lié à son père professionnellement et constitue pourtant la seule relation abordable pour Tim et Pikachu ?


Même le climax cède à la facilité en le réduisant à une victime parmi tant d’autres dans les machinations du méchant. Sans parler de la manipulation mentale des Pokémons qui, si il fait parfois son effet, reste gentillet finalement et ne va pas assez loin dans la brutalité dont semblent pourtant capable ces créatures au contact de la fumée mauve R.


Idem pour les réelles motivations de Mewtoo qui avait fait une grosse apparition durant la promo, mais qui est finalement réduit à un instrument pour un contrôle mental par Howard Clifford dont le dessein final est de pousser l’humanité vers l’évolution à ce qu’il considère comme le stade ultime pour les humains et les Pokémons. Un point plein de potentiel et de promesse qui aurait pu constituer un enjeu majeur au film que ça soit pour les problèmes qu’il permet de solutionner comme l’handicap physique d’Howard Clifford ou les handicap mentaux dont peuvent souffrir humains ou Pokémon. Mais qui ne devient ici qu’un choix imposé sans plus de question par l’antagoniste si ce n'est pour se libérer de son handicap physique.


En fait tous les problèmes du film trouvent leur source dans une seule chose : le statut de la franchise même de Pokémon et le public ciblé. Autant les jeux peuvent s’adresser à d’autres gens que les plus jeunes (moi-même j’ai rejoué à un jeu Pokémon dernièrement), mais alors pour ce qui est des films et de la série, là encore, 20 ans ont passés.


Et en dehors de Pokémon nous sommes nombreux à avoir grandi avec des licences célèbres de tout média (Final Fantasy et Kingdom Hearts côté jeux-vidéos, Star Wars et Pirates des caraïbes pour les films ou encore My Hero Academia plus récemment côté manga) qui ne s’emprisonnaient pas dans une vision noir et blanche du monde. Et apparemment les jeux-vidéos Pokémon ont aussi décidé d’apporter du neuf de ce côté-là avec certains des derniers jeux sur consoles portable. Si il n’y avait pas la sympathie que j’ai pour la franchise et les heures que j’ai pu passer à travers cet univers qui m’a façonné comme beaucoup d’autres, j’aurais peut être été bien plus cru dans ce que j’ai à reprocher au film.


Cela dit en tant que projet destiné au public phare, il n’a rien de malhonnête et je vais même dire, il est nettement meilleur que ce que je craignais, a quelques moments qui sortent du lot, une direction artistique qui tente et réussi certaines choses et globalement les comédiens font bien leur boulot. Mais ça n’en reste pas moins un divertissement très convenu et qui reprend souvent les mêmes défauts des films d’animation en termes de scénarisation. Et s’il vient à être rentable pour lancer une suite, ça ne serait pas de refus de voir quelque chose de moins calibré et convenu que ce premier film… qui en plus manquait de la principale chose que nous étions en droit d’attendre : une reprise de la chanson de générique française le plus cool de la fin des 90’s !

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le 8 mai 2019

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