Polar
5.3
Polar

Film VOD (vidéo à la demande) de Jonas Åkerlund (2019)

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Souvent schizophrène, cette adaptation de la BD éponyme signée Victor Santos va vite se retrouver, comme le vilain de l'histoire, dépassée par son héros bien meilleur que le film dans lequel il se retrouve.
L'ouverture de "Polar", esthétiquement affreuse avec ses couleurs criardes, ne ment pas sur la marchandise : le long-métrage de Jonas Åkerlund, sans doute conscient du classicisme de ce qu'il a à nous raconter, mise tout sur une jauge d'exagération dont il ne cesse de déplacer le curseur sur le fond et la forme sans jamais parvenir à trouver la position adéquate. Ce sera d'autant plus flagrant dans la première partie chargée de nous narrer la difficile retraite de ce tueur à gages contraint de reprendre du service lorsque ses anciens collègues se font décimer. Obligé de marquer la séparation entre ce monde excentrique d'assassins et la normalité à laquelle veut aspirer le Black Kaiser, "Polar" donne vraiment l'impression de naviguer entre deux univers mais aussi entre deux films qui peinent à nous faire croire qu'ils sont les deux faces d'une même pièce. D'un côté, il y a le pire avec tous ces assassins échappés de cases de comics que Jonas Åkerlund réduit aux pires poncifs hystériques du genre en les définissant uniquement par leurs looks improbables dans des situations humoristiques qui ne déclenchent qu'un ou deux sourires (seule Fei Ren en leader des sous-fifres marque les esprits). De l'autre, il y a le moins pire, la pré-retraite de Black Kaiser où le regard de Mads Mikkelsen fait des petits miracles entre intensité et humour dans le triste quotidien de son personnage incapable d'embrasser une existence vraiment tranquille. Les seuls traits d'union entre ces deux mondes relèvent des pires défauts rencontrés jusqu'ici : tout y est si affreusement prévisible que cela en devient dur à avaler (comment un type de la trempe du Black Kaiser a pu passer sa carrière à travailler pour un minable comme Mr. Blut et ne rien voir venir ?), l'image de la femme ferait exploser la cervelle de n'importe quelle féministe au bout de quelques secondes (victime, assumée ou forte, c'est un festival misogyne de grande ampleur) et l'exubérance des personnages ou des péripéties vers une forme de comique grotesque sonne surtout comme un moyen artificiel de détourner l'attention sur la pauvreté narrative de l'entreprise qui ne cesse de passer d'un lieu à un autre pour donner l'illusion d'un rythme trépidant. En ce sens, "Polar" ressemble fortement à une parodie d'adaptation de comics qui n'en aurait bizarrement pas du tout conscience. Mais le film va tout de même se réveiller pour proposer de bien meilleures choses dans sa deuxième partie.


La réunion au sommet de tous les personnages en vadrouille jusqu'alors tient en effet toutes ses promesses durant un affrontement enneigé franchement jouissif et où le personnage de Mads Mikkelsen révèle enfin tout le potentiel de ses capacités. En muselant l'hystérie du film qui s'éparpillait dans bien trop de ses aspects sur ses seules confrontations violentes, "Polar" va retrouver une seconde vie grâce à ses séquences d'action. Entre une séance de torture bien saignante, une baston géniale dans un couloir ou un concert de balles partant dans tous les sens, le film ne fait pas forcément fi de son déroulement archétypal (une sorte de condensé de passages obligés de ce genre d'histoire mis bout à bout) mais il prend enfin la forme du gros plaisir coupable que l'on pouvait espérer, où chacune de ces séquences jubilatoires permettent d'iconiser la présence impériale d'un Mads Mikkelsen donnant désormais clairement l'impression de se retrouver dans un cadre bien loin d'être à la hauteur de son investissement (aussi bien d'un point de vue physique que par son jeu). Même les défauts de la première partie paraissent quelque peu se gommer d'eux-mêmes devant un héros si impressionnant (le second degré diminue drastiquement et en devient meilleur, le visuel se met au service des exploits du Black Kaiser, le personnage vaseux de Vanessa Hudgens reste endormie la plupart du temps et même le ridicule méchant gagne un chouïa d'épaisseur grâce à son sadisme). Dommage qu'un twist final risible vienne à nouveau gâcher la fête pour nous ramener aux pires côtés de ce "Polar", un film qui, au final, aura très souvent choisi la superficialité comme unique solution afin de s'échapper de la mélasse de clichés néo-noirs dans laquelle il prenait sa source.


Il ne reste plus qu'à saluer l'audace de Mads Mikkelsen d'avoir rejoint un tel projet. L'acteur est quasiment la seule qualité constante du film de Jonas Åkerlund et il parvient même à le transcender pour l'amener dans des sphères auxquelles il ne pourrait jamais prétendre sans lui. Incontestablement, il est LE Black Kaiser que l'on voulait découvrir mais peut-être pas forcément dans un long-métrage comme ça.

RedArrow
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le 25 janv. 2019

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