L'habit ne fait pas le moine
Après un Okita le pourfendeur que j’avais plutôt apprécié, je dois dire que j’ai vraiment aimé ce Police contre syndicat du crime. Kinji Fukasaku y pointe du doigt les similitudes existantes entre politiciens, policiers et yakusas ainsi que les magouilles qui les réunissent. Mais le film est également l’écho d’une amitié dangereuse impliquant le génial Bunta Sagawara en flic désabusé et son homologue Yakuza, Hiroki Matsukata, intrépide chien fou prêt à tout pour glaner le respect qu’on lui doit.
Fukasaku signe ici un film bien sombre, aux ambiances poisseuses peuplées d’hommes noirs et sans foi ni loi. Comme à son habitude, le cinéaste ne fait pas de concession et dépeint un japon terriblement désespérant, terre hostile et glauque pour les hommes qui l'habitent. Les seules femmes qu’on aperçoit sont quasiment toutes des prostitués, à disposition du moindre désir des hommes qui les font vivre. Ces derniers, blasés et ayant opté pour une existence au jour le jour évoluent dans un univers crasseux fait de magouille, d’alcool et d’argent.
Le film jouit d'un rythme bien dosé et on s'ennuie pas une seule seconde. En plus d'être très intéressant à travers toutes les relations ambiguës qu'il dépeint, Fukasaku sait raviver l'intérêt qui nous anime. Il introduit dans le récit une forte personnalité, un nouveau chef de police incorruptible, sans peur et tenace qui va faire voler en éclat les différentes alliances existantes entre Policiers et Yakuzas. En plus de booster l'histoire, Il évoque également un conflit générationnel entre les hommes qui se sont faits après guerre en pleine époque de marché noir et ceux qui leur succèdent dans ce japon moderne. Les politiques qui œuvrent dans l’ombre ne sont pas épargnés et sont filmés sous leur plus mauvais jour. Opportunistes et sans morale aucune, virtuoses de la langue de bois, ils plient tels des roseaux dans le sens du vent.
Le dénouement de tout ce sac de nœud est prévisible et c’est dans la violence qu’arrivera la fin d’une ère que l’on pouvait finalement qualifier d’équilibrée. En effet, pour Fukasaku, le japon d’après guerre doit sa survie au marché noir, et ce sont les différentes alliances entre Yakuza et Policiers qui ont permis à tout un chacun de pouvoir trouver de quoi manger à ce moment là. Sont donc légitimement nés de cette période tous les personnages qui peuplent le film et naviguent entre bonne conscience et débrouillardise, s'adonnant à une vie légère faite de femmes, d’alcool et de flingues.
Avec Police contre syndicat du crime, Fukasaku continue de m’intriguer et c’est avec beaucoup d’envie que je continuerai ma découverte de ses films. Merci Wildside et sa collection "les introuvables" !