Parodier des œuvres d’épouvante qui ont marqué l’Histoire du cinéma présente bon nombre d’écueils qui rendent l’exercice aussitôt périlleux, Le Manoir et Pas Très Normales Activités n’ont de cesse de nous le rappeler. Et pourtant, ce Poltergay séduit. La raison principale ? Le détournement ne se contente pas d’accumuler les blagues mais prend le temps, sinon la peine, de construire une profondeur émotionnelle certes convenue, en aucun cas grossière. Le film n’hésite cependant pas à afficher un humour plutôt gras, souvent en dessous de la ceinture ; mais il répond ainsi à la sexualité débridée que véhiculent les clichés sur l’homosexualité. Car plutôt deux fois qu’une : non seulement Éric Lavaine entend détourner Poltergeist, mais il s’amuse également à donner vie aux poncifs de la communauté gay, renvoyant dos à dos les discours préconçus pour mieux promouvoir un rassemblement lors d’une soirée en boîte. Le film adopte un rythme saccadé aux plans souvent brefs, reliés entre eux par des fondus au noir : ce procédé, un peu trop systématique, surprend de prime abord avant de véritablement trouver une motivation puisqu’il incarne le glissement du nocturne vers le diurne, isolant les visions du protagoniste principal tout en les liant dans la continuité de la narration. Ce qu’il y a de très beau, dans Poltergay, c’est l’apprentissage de l’autre par le biais de la caméra, à l’instar de cette scène touchante où la femme de Marc découvre l’existence des spectres jusqu’alors niés par l’intermédiaire d’une petite caméra amateur posée sur la table de la cuisine. Preuve que le cinéma est un art qui rassemble, qui enchaîne au noir des individualités pour mieux, une fois la lumière rallumée, former à partir d’elles un collectif uni. Malgré des lourdeurs inutiles et quelques prestations parfois hasardeuses, le film émeut par sa bienveillance et ses élans libertaires (acteurs nus, un phallus dessiné partout), rappelle que la comédie fédère grâce au rire qu’elle déclenche.