Produit par le gangster Michael Thevis afin de blanchir de l'argent, Poor Pretty Eddie tourné en six semaines avec des comédiens presque tous payés au noir ne fera pas la notoriété de son producteur qui finira l'année suivante en prison pour le restant de sa vie. Le film est réalisé par deux jeunes réalisateurs débutants Richard Robinson (dont ce sera l'unique film) et David Worth qui fera une petite carrière de réalisateur de séries B avec des films tels que Kickboxer, Le Chevalier du Monde Perdu ou Shark Attack 2. Poor Pretty Eddie est un petit film qui transpire le sud profond pour nous convier au cauchemar d'une chanteuse de jazz afro américaine .
Poor Pretty Eddie nous raconte donc l'histoire de Liz une chanteuse de jazz partie se ressourcer pour quelques jours de vacances. Malheureusement pour elle sa voiture tombe en panne en pleine cambrousse du sud profond des États Unis la contraignant à trouver refuge dans un rade un peu miteux tenu par Eddie. Autour d'Eddie qui se prend pour Elvis et rêve de devenir chanteur vivent Keno un géant pas bien méchant et Bertha une ancienne gloire du cabaret à la recherche de son lustre d'antan (pas le luminaire bien sûr). Si Bertha en pince pour ce pauvre cher Eddie en revanche le jeune homme se verrai bien en couple avec la charmante Liz, et ceci de grès ou de force...
Poor Pretty Eddie est un sale film d'ambiance qui transpire le malaise par tous les pores de son statut de drame étouffant et abrasif. Outre son fort contexte plaçant une jeune femme noire au sein d'un sud profond certes un peu caricatural mais emprunt de profonds relents de racisme le film de Richard Robinson et David Worth s'articule également autour d'un sordide triangle amoureux entre le beau gosse Eddie, la jeune et rebelle Liz et Bertha une femme mûre sentant de plus en plus le le poids de la décrépitude physique à mesure que son jeune amant s'éloigne d'elle. Dans une ambiance assez lourde renforcée par le grain très seventies de l'image et le poids oppressant des préjugés le film s'oriente alors vers le rape and revenge mais presque sans revenge. Car à mesure que Liz va subir l'oppression physique, sexuelle et mentale de de ce pseudo Elvis sudiste elle semble aussi perdre pied et sombrer dans une sorte de folie catatonique la clouant à la croix de son statut de victime. Comme engluée dans la boue de sables mouvants Liz semble s'enfoncer de plus en plus loin dans un cauchemar à mesure qu'elle tente de se débattre. Le film regorge de moments malsains, révoltants, âpres et difficiles renforcés par une mise en scène qui use et abuse de ralentis, de bruitages très forts et d'angles de caméras tordus. Tant par ce qu'il nous donne à voir que par l'atmosphère un peu crasseuse du film Poor Pretty Eddie est un film qui fait plutôt mal. D'une scène de viol montée en parallèle avec un accouplement de chiens devant des sudistes hilares à une parodie de procès dans un bar à bouseux ou l'on tente de déshabiller Liz pour voir si elle a des marques de violence en passant par une tentative de dépôt de plainte face à un flic au sourire gras qui demande des détails croustillants en griffonnant des dessins de cul sur sa feuille, le film provoque non seulement le malaise mais aussi souvent la colère. Et ces trois scènes ne sont qu'un petit aperçu des moments glauques et nauséabonds dont le film regorge.
Dans ce type de petite production le niveau d'interprétation n'est pas toujours à la hauteur mais c'est loin d'être le cas pour Poor Pretty Eddie. Malgré une carrière pas bien glorieuse Michael Christian est délicieusement détestable dans le rôle d'Eddie, véritable psychopathe charmeur sûr de son talent approximatif de chanteur, le comédien est foutrement inquiétant et charismatique. Quant à Liz elle est interprété par Leslie Uggams (Actrice de théâtre et de Comédie Musicales) et même si elle aussi ne connaîtra pas une très grande carrière cinématographique vous garderez longtemps en mémoire son regard perdu dans les moments les plus dures du film. Les plus grandes stars se trouvent du côté des seconds rôles avec Bertha interprétée par une excellente et parfois émouvante Shelley Winters dans sa quête désespérée à continuer à être aimée malgré le poids du temps et Ted Cassidy (Le majordome de La Famille Addams) qui incarne une sorte de géant bienveillant au milieu du chaos. A noter aussi une putain de galerie de trognes et de personnages qui semblent sortir directement de 2000 Maniacs ce qui renforce encore un peu plus l’âpreté de l'ensemble.
Poor Pretty Eddie est un très bon petit film à l'ambiance âpre et parfois difficile. Une sorte de long cauchemar avec des malades en mal d'amour et d'affection et qui sont prêt à devenir des monstres de violence et d'égoïsme pour l'obtenir.