De l'utilité des services publics pour reconstruire un pays
[SanFelice révise ses classiques, volume 15 : http://www.senscritique.com/liste/San_Felice_revise_ses_classiques/504379 ]
En un 2013 post-apocalyptique, un ancien comédien se promène dans une Amérique profonde livrée à elle-même. Plus de gouvernement (ce qui est le rêve de nombreux américains actuellement), une société atomisée, une population survivante repliée sur elle-même en d'infimes villages médiévaux. Et une armée sanguinaire qui terrorise tout le monde et cache mal un groupe de bandits.
Et voilà que notre ancien comédien qui se transforme en prophète local du culte gouvernemental des Etats-Unis Restaurés.
De très loin, Postman est le moins réussi des trois films réalisés par Costner. Si la bonne volonté du cinéaste est évidente, le film est rempli de maladresses, d'approximations, de n'importe quoi. Le pire, c'est le côté film d'action. Costner, plutôt fort quand ils 'agit de faire des films humains, ne parvient pas un seul instant à être crédible dans l'action. La réalisation est poussive et ne parvient pas un seul instant à instaurer cette ambiance morbifique qui aurait été nécessaire.
Il faut dire que les méchants sont particulièrement caricaturaux. Le scénario les assimile sans cesse aux nazis, histoire de montrer qu'ils sont vraiment très très méchants. Ils sont racistes, ils détruisent l'environnement, ils sont violents, ils maltraitent les femmes. Et, en plus, pire que tout, ils brûlent le drapeau des Etats-Unis.
Parce que, il faut bien le dire, parmi ce qui gêne le plus dans le film, il y a ce patriotisme américain à la con, qui fait que le héros est un prophète parce qu'il parvient à restaurer la construction du pays. Et parce qu'il réussit aussi à redonner un sens au service public américain (la bonne blague ! quand on voit l'état du service public aux USA, ça fait bien rire de voir qu'il est plus efficace dans un monde apocalyptique que dans le monde ultra-libéral).
Parmi les autres défauts du film, il y a cette incapacité à implanter un certain lyrisme épique. On sent que Costner veut faire de son film une sorte de version moderne des grandes superproductions épiques, et il n'y parvient pas un seul instant. Le souffle épique brille par son absence. La scène (répétée, puisqu'elle clôt le film) où notre Facteur se retourne pour aller, au ralenti, prendre la lettre tendue par un gamin, est l'exemple de ces maladresses pleines de bonnes intentions d'un cinéaste auquel personne n'a tenu bon de dire que les ralentis sont ridicules et laids et qu'ils plombent un film.
Alors, il y a bien deux ou trois trucs positifs dans le film.
L'interprétation est pas mal.
Les scènes calmes sont, finalement, les plus réussies. La description d'un monde qui tente de se reconstruire mais reste fragile est, en fin de compte, ce qui est le meilleur.
Même si, y compris dans ces scènes plus réussies, on est loin, mais vraiment très loin, de retrouver le Costner de Danse avec les loups...
Enfin, idée plutôt sympa, que l'on trouve surtout au début du film et semble disparaître par la suite : la survie d'une civilisation grâce à sa culture artistique. Shakespeare, dont de larges citations sont insérées dans les dialogues, mais aussi cette scène hallucinante où des grosses brutes assoiffées de sang préfèrent regarder La Mélodie du Bonheur (nunucherie de chez nunucherie, soit dit en passant) plutôt qu'un film de brute avec Dolph Lundgren, on sent qu'il y a une volonté (là aussi, parfois très mal exprimée) de placer la culture comme garante de l'unité et de la survie d'une civilisation. Idée fort intéressante, mais si vite abandonnée hélas...
Au final, par sympathie envers Costner et envers son projet si mal abouti, je ne vais pas forcément mettre la note très basse que son film mériterait, mais que voulez-vous, je suis faible...