Pendant quelques années, et plus précisément entre mai 68 et le premier choc pétrolier de 1973, les Occidentaux ont pu croire qu’ils vivaient dans un monde idéal, préservé de la guerre, de la misère et des maladies sexuelles. Ce sixième film de Fassbinder (assisté ici de Michael Fengler à la mise en scène) se situe en plein cœur de cette époque « dorée ». Pendant une heure et quart, on voit un Allemand moyen, M. R., mener sa vie de famille (coincé entre une trop jolie femme, un enfant crétin et une mère autoritaire) et sa vie de travail (sans talent et sans espoir de promotion) dans un univers étouffant (à l’exception d’une scène très brève, tout est filmé en intérieur). Un jour M. R regarde la télévision chez lui pendant que sa femme et une voisine discutent comme à l’accoutumée. Il a mal à la tête car il a un peu de tension et fume trop. De plus, la télévision est en panne : il y a du son mais plus d’image… Après avoir essayé plusieurs fois de la régler, M. R., sans un mot, se lève, prend un chandelier, défonce le crâne de la voisine, puis celui de sa femme et enfin celui de son fils, endormi dans son lit. Le lendemain, après une nuit calme, il ira se pendre dans les toilettes du bureau où il travaille. Une caméra neutre suit les visages en les cadrant au plus près dans leur désarroi existentiel infini. Le ciel n’est jamais montré, pas plus que le soleil. Tout espoir est mort dans ce cinéma des espaces confinés, représentatif d’une Allemagne vaincue, destituée de son arrogance et de sa fierté. Un film austère, courageux et sans concession d’une figure si particulière de l’histoire du cinéma.