Voila ce qui arrive quand on manque de confiance en soi et en son sujet...
Precious avait tout ce qu'il faut là où il faut pour être très bonne, voir excellente, si son "jeune" réalisateur ne l'avait pas noyée dans les artifices les plus éculés.
On aurait du pleurer à chaudes larmes devant la vie "pas rêvée" de cette jeune femme obèse, violée par son père, mère de deux enfants nés de ces viols dont une petite trisomique, battue par sa mère et quasi-illettrée. Une vie comme il en existe sans doute et qui mérite grandement de devenir le sujet d'un livre, puis d'un film.
Mais malheureusement, au lieu de se reposer sur un casting épatant et de filmer au plus près et dans le plus total dénuement les situations et les visages de ses protagonistes, il multiplie les effets kitschs, ratés et inutiles.
Malgré le plaisir réel que l'on peut avoir à voir sourire l'exceptionnelle Gabourey Sidibe, on ne peut que déchanter lors de toutes les scènes de fantasmes ou de rêves qui ressemblent à de mauvais clips MTV.
Il en est de même pour tous les enchainements un peu pourris visant au déroulement du récit mais qui ne font que nuire à la beauté et la simplicité du sujet.
C'est le spectateur qui se prend alors à rêver de ce qu'aurait pu être le film une fois démaquillé, notamment dans les bouleversantes scènes finales ou Precious, puis sa mère, confessent leur histoire, leur respectives visions des faits et où, enfin, la caméra cesse de faire sa maline et laisse se faire la magie de l'équation: Des comédiens d'exception, une belle histoire et captation... point barre.
Il faut tout de même redire ici l'immense révélation que représente Gabourey Sidibe, le visage comme renfrogné par les coups de poing dans la gueule, la mine sombre et le verbe économe. Elle brille absolument dans ce beau rôle presque mutique de Precious et je suis très impatient de la revoir au cinéma.
Mo'Nique, elle, n'est pas toujours convaincante dans les excès de mise en scène de Lee Daniels, notamment dans les scènes de violence domestique très peu inspirées, mais son monologue final donne vraiment le frisson.
Et contre toute attente, Mariah Carey est vraiment très bien et très convaincante.
Le personnage de Paula Patton est, lui, un peu plus fade, mais l'actrice s'en sort bien et la scène où Precious monologue sur la révélation de l'homosexualité de sa prof est une vraie réussite.
En revanche, les autres jeunes filles du centre scolaire sont trop caricaturales et les actrices trop mauvaises, pour la majeure partie d'entre elles, pour qu'on s'y attache... quand à la participation amicale de Lenny Kravitz, elle est aussi anecdotique quand à la performance de l'acteur que par la faible teneur du personnage.
Par contre, à propos de ce personnage, je ne partage pas du tout une critique souvent lue, notamment sur le net, concernant un certain angélisme conféré au personnels sociaux-éducatifs du film.
S'il va, bien sur, d'abord, de soi que ces acteurs sociaux sont par définition des gens dont le rôle est d'aider leur concitoyens, je trouve qu'aucun d'eux n'est d'une seule pièce, y compris la prof et que certains révèlent parfois suffisamment de faiblesses, de failles, de secrets ou de contradictions certes peu exploitées par le cinéaste, mais qui sont pourtant bien présentes et qui permettent d'éviter l'overdose de sirop...
Ceci étant dit, le sentiment global qui se dégage durant tout le film et notamment vers la fin, est celui d'un beau gâchis, d'un potentiel sous exploité et d'une abondance de bons sentiments empêchant (pas toujours...) une certaine cruauté de suinter du film.
Ce qui est bien regrettable, tout de même quand on a choisi de traiter d'un sujet justement si cruel.
Et qu'on partait d'un matériau aussi riche, soutenu par un tel casting...
Tant pis...