Le cinéma est une alchimie dans laquelle plusieurs corps sont mis en présence. Une situation que l'histoire racontée nous fait partager, des personnages dans lesquels nous pouvons reconnaître des caractères parfois presque familiers, une ambiance faite de mots, de regards, de gestes et de silence. Mais c'est toujours le spectateur qui sera le catalyseur de la réaction selon sa sensibilité et parfois ce que l'histoire racontée peut activer en lui. Nous avons tous côtoyé à un moment ou à un autre de notre vie un de ces personnages toxiques qui, sans nous mener sur des sentiers dangereux, a induit en nous des réactions ou des pensées dans lesquelles nous ne nous reconnaissons pas tout à fait ?
André Choulans/Benoît Pollwoerde est un père toxique pour son fils et tout son entourage direct et indirect. Mythomane maniaque jusqu'à devenir tyrannique, parfois brutal et même violent, il fait de la maison familiale une caserne sur laquelle il entend régner en maître absolu.
André Choulans s'est inventé un rôle dans l'OAS et dans son délire charge son fils de 12 ans d'une action secrète visant à assassiner le général De Gaule qui est devenu à ses yeux un traître à la nation. Emile, en fils aimant et admiratif, entre dans le délire de son géniteur qui le fait marcher au pas dans tous les sens du terme. L'enfant transfert le délire paternel sur un jeune condisciple, nouveau venu dans sa classe après avoir quitté l'Algérie avec ses parents au moment de l'exode de ceux que l'on appelait les rapatriés ou « les pieds noirs ».
Profession du père de Jean Pierre Améris nous fait entrer dans cet univers malsain dans lequel un père tout puissant fait vivre un huis clos mortifère à sa famille avec la complicité tacite d'une mère aveuglée par son amour. Denise Choulans/ Audrey Dana dira simplement à la fin du film, quand son fils veut lui montrer une carpe dans un bassin et qu'elle dit ne rien voir, que c'est plus simple de ne rien voir. André Choulans finira en hôpital psychiatrique et confiera sur un ton de confidence à son fils qu'il n'avait pas d'inquiétude à avoir sur sa maladie, qu'il jouait la comédie pour rouler tout le monde car le combat n'était pas terminé.
Sorj Chalandon auteur d'un roman à la source de l'adaptation de Jean Pierre Améris a dit un jour y avoir mis de nombreux éléments autobiographiques. Il raconte notamment que pour lui, la seule issue avait été de fuir très tôt le milieu familial. Une scène du film quand le jeune Emile menace son père d'un pistolet en lui disant qu'il était fou m'a renvoyé à un fait divers des années 80 dans le Nord de la France quand une fille et sa mère ont exécuté d'un coup de carabine un père du même acabit qui les martyrisait.