Une beuverie de jeunes filmée… On redoute au départ que ce soit aussi passionnant à voir qu’à vivre, aussi nul et médiocre dans le contenu qu’une véritable soirée filmée… Une de ces vidéos qu’on serait forcé de s’infliger, tout en accompagnant nos souffrances de faux sourires ravis, de commentaires carrément exaltés et d’une connivence artificielle comme il faut devant des délires moins drôles vus de l’extérieur.
Avec ses crétins organisant une grosse teuf pour devenir populaires, Projet X ne fait que montrer des puceaux petits-bourgeois découvrant l’extase (avec tout le champ lexical approprié). Leur but n’est que de tirer ; mêmes des moches, pourvu qu’elles aient de gros obus. Avant la cérémonie, il y a aussi toute l’agitation préparant le terrain : promotion, recrutement de bons clients, pêche au bédo et à l’alcool, planifications potaches (avec une petite touche de descente vers la misère sociale pour se fournir en shit). En chemin, nous serons gratifiés de magnifiques expressions spontanées, parfois plus novatrices (« récurer la marmite ») avec des slogans plus ou moins inventifs ou trashs (« un maximum de vagins influençables »). Tous les gimmicks de ploucs épanouis sont là : chiens-cools entre les meutes de meufs notamment, mascottes poussives (le pote obèse ou gothique, etc)… Rayon comédie cosmique, le nain dans le four est salvateur.
La teuf, c’est le passage initiatique. Sombre réalité… Et c’est peut-être sur ce constat de désespoir amusé que peut s’ériger la véritable force de Projet X. Au-delà du public réservé, le film permet le plaisir voyeur de s’incruster dans un espace tranquille pulvérisé par des jeunes adultes déchaînés, pour assister à une déchéance banale mais d’une nullité justement réjouissante. Il y a un vrai plaisir (tout petit, c’est vrai) à assister à ce médiocre bordel, sans s’emmerder à y être impliqué physiquement. Pour les esprits vaguement cyniques ou humano-sceptiques sur les bords… et pour les fraîchement pubères et tous les beaufs qui s’y reconnaîtront. Il y a matière à s’amuser, voir à se délecter, de quelques déversements d’aspirants lubriques attardés.
Plus loin que le film, le cynisme trouve son prolongement, voir son accomplissement, avec les imitations grandeur nature de quelques crétins qui auront tout le temps de regretter la crasse de leurs préoccupations (socialiser en se soumettant, fuir le réel par la bassesse, etc). Sur ce coup, moralement et esthétiquement, Hollywood matérialise le concept de l’infirmière salope, de la garce toxique. La partie apocalyptique n’est qu’un supplément spectaculaire, une consécration pop-cornesque potentiellement délectable, mais sans grand intérêt (sinon pour l’issue, sorte d’éloge paradoxal mais absolutiste de valeurs d’adulescents kékés) ; la laideur du film, son réalisme anthropologique et beauf se trouve avant.
C’est du cinéma-vérité. Certes, pour une vérité sans intérêt, tellement connue et rabattue que personne ne s’y penche sérieusement. Et sans être un chef-d’oeuvre d’un point-de-vue anthropologique (c’est quand même trop niais), Projet X est bien plus crédible que les autres teen-movie du même registre, car il est jusqu’au-boutiste et sans artifices ni prétextes « moraux ». Il ne cache ni son ambition ni la médiocrité de ses sujets, il en est plutôt fier et s’en trouve parfaitement cohérent. Le message d’intro de Warner Bros est non seulement hypocrite, mais aussi assez inouï, car tout le reste dégouline de complaisance.
https://zogarok.wordpress.com/2012/08/03/projet-x/