Trigger Warning
Les quelques lignes de présentation du film, si elles amorcent un scénario qui n’est pas dénué d’intérêt, ne sont pas ce qui devrait convaincre le spectateur d’aller le voir. Ce qui devrait le...
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le 3 août 2019
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(Vu au ciné) (6/10 + 1 si vous avez adoré - ce qui est mon cas - Gurren Lagann et/ou KillLaKill +2 j'imagine si vous aimez absolument tout ce qu'a fait Hiroyuki Imaishi - je suis un grand fan du réalisateur que j'ai découvert avec l'incroyable Dead Leaves à l'époque, mais pour autant je n'ai pas accroché aux "trips" que sont des séries comme Luluco ou Panty & Stocking)
"Mais à qui s'adresse ce film?" C'est la question qui m'est immédiatement venue à la sortie de la séance, hébété que j'étais (même si je m'étais préparé à l'idée) par un maelstrom d'images d'un dynamisme épileptique et un récit d'une densité folle (voire indigeste, nous allons y revenir).
Bon, évacuons tout de suite le sujet, il s'agit d'un objet esthétique (d'une expérience) tout à fait sidérant(e), que vous vous devez vraiment de voir si vous aimez l'animation en tant que médium, et que vous vous intéressez à son aspect technique en particulier, et/ou si vous avez un intérêt pour les films formellement "extrêmes" et expérimentaux.
Mais difficile pour moi d'imaginer pour autant que quelqu'un ne connaissant ni d'Eve ni d'Adam le réalisateur et/ou le studio Trigger puisse vraiment accrocher à 100% à cette proposition esthétique ultra-radicale, qui ne se veut à aucun moment "inclusive" pour des "non-initiés". Il s'agit là d'un fier représentant de cette tendance que j'ai pu qualifier, dans d'autres écrits, d' "otakisme hermétique", débouchant sur des œuvres destinées à être clivantes, s'appuyant sur une multitudes de code (...clichés) de la japanimation, avec une forte dimension meta (les codes finissant eux-mêmes par être tournés en dérision à force d'être exploités jusqu'à l'absurde). J'ai en tout cas cru trouvé la confirmation à cela dans la moue dubitative que faisaient certains spectateurs qui, visiblement, s'étaient retrouvés là pour accompagner un ami fan et ne s'étaient pas préparés au choc. lol
Parlera-t-il alors à des gens "déjà convaincus" comme moi, très grand amateur d'animation dans l'absolu et de Imaishi en particulier, trépignant d'impatience depuis 1 mois à l'idée de découvrir ce film? J'ai pourtant, malgré tout mon enthousiasme, été relativement déçu (c'est toujours le risque avec des attentes extrêmement hautes) par ce film qui est tout de même largement dans la redite (et en moins bien, c'est là le souci) par rapport aux 2 précédentes séries phares du réalisateur. Car oui, je l'affirme haut et fort, le style Imaishi perd singulièrement en puissance, en particulier émotive, transposée en film ; je vais même plus loin : mais, put***n, quel dommage que ce Promare ne soit pas une série!!!
Le récit - car oui, contrairement à ce que je peux lire, il y a bien un récit, et même intéressant dans ses grandes lignes qui plus est - est d'une ambition telle que les 2 heures du film semblent pour lui un écrin beaucoup trop étriqué! Les révélations s'enchaînent à vitesse grand V, le récit déconstruisant en quelques minutes ce qu'il a exposé en quelques minutes auparavant...Le spectateur n'a littéralement pas le temps de s'investir dans ce qui nous est raconté ni dans ces personnages croqués à la va-(très)vite (alors que la construction des personnages est aussi une des très grandes forces de Gurren Lagann et de KillLaKill). Le tout n'est pas aidé par un personnage principal extrêmement lisse (espèce de Kaneda du pauvre), archétype shônen superficiel, qui se révèle tout de suite moins intéressant par exemple que le chef des rebelles pyromanes. Le "lissage" est également sensible au niveau du ton du récit, shônen finalement tout gentil, bien loin de certains délires sexuels et scatologiques auxquels nous avait habitué Imaishi (et qui, pour moi, font tout de même partie de son ADN, et de son charme et de son intérêt, puisque jamais une production occidentale (à peu près) grand public - diffusée à la TV - ne se permettrait le quart de ce qu'Imaishi a proposé dans certaines de ses séries...).
On se retrouve donc au final face à un film narrativement frustrant, qui ressemble plus à un de ces films que produisent parfois les studios d'animation japonais pour "synthétiser" certaines de leurs séries phares: encore une fois, le matériau narratif aurait tout à fait pu constituer le socle d'une série de 24 épisodes! Or, ici, le réalisateur semble lui-même, en plusieurs endroits, nous confesser qu'ils ont eu les yeux peut-être plus gros que le ventre; je pense notamment à ce passage (bon, je le mets tout de même en spoil même si ce que je vais dire sera totalement incompréhensible pour quiconque n'a pas vu le film)
où nos héros se retrouvent dans une base secrète conçue par une espèce de savant-fou qui va les aider dans leur quête; quand ceux-là demandent à celui-ci ce qui serait advenu s'ils n'étaient pas tombés sur cette base par le plus grand des hasards, nous avons cette réponse désinvolte: "Bah, ce n'était pas vraiment prévu que vous trouviez cette base un jour; le monde aurait été détruit, c'est tout" (!) (jeu sur les codes narratifs typique de ces shônen-meta dont fait partie ce Promare, mais qui avoue aussi explicitement qu'il n'y avait plus la place narrative dans le temps que dure ce film pour donner une motivation vraisemblable à cet élément).
Autre point qui m'a gêné: l'action ultra-trépidante, quasiment sans temps-morts, déluge visuel de quasi-tous les instants, ramenée au format film (donc avec beaucoup, mais beaucoup moins de temps mort que dans une série - logique!) en devient finalement assez indigeste (là, je ne suis même plus dans le registre intellectuel, je veux dire que c'est tout simplement physiquement éprouvant, avec une vraie sensation de trop-plein et de lassitude, voire d'abrutissement vers la fin du film...) ; typiquement le genre de film où un petit entracte au milieu de la séance - comme dans les films de genre à l'ancienne - ne ferait vraiment pas de mal au spectateur abasourdi. Le tout est même renforcé par une musique pop japonaise tonitruante et tapageuse (que je n'ai pas du tout aimé personnellement...), qui a plus encouragé mon mal de tête à la fin du film qu'autre chose. Un film tout aussi trépidant et halluciné comme Dead Leaves s'en sortait justement mieux sur ce point à cause de son format moyen-métrage! Ici, on serait dans du Red Line puissance 4, sachant qu'il s'agit d'un film que j'avais déjà trouvé en partie indigeste à l'époque!
Voilà pour mon retour sur ce film. Je pense qu'il me faudra au minimum un 2e visionnage, au calme, chez moi, sur un plus petit écran aussi peut-être, pour enfin le digérer et peut-être pour dépasser ma frustration de ne jamais voir ce film (dans sa forme assez frustrant pour les raisons détaillées plus haut) devenir une superbe série ; car la série au long cours reste de toute évidence le format "naturel" d'Imaishi et de son scénariste, au point même de m'interroger sur l'utilité de ce film, beaucoup dans la redite (que ce soit sur le plan visuel ou narratif), au discours finalement assez lisse, et qui ne parlera vraiment qu'au gens déjà convaincus d'avance.
Alors que cet été 2019 devait, si tout allait bien, se révéler exceptionnel sur le plan de l'animation japonaise, les (semi-)déceptions s'enchaînent, souvent faute de propositions narrativement convaincantes, mais en partie compensées, dans le cas de ce Promare ou bien des Enfants de la mer (qui m'a aussi laissé sur ma faim) par une prise de risque quasiment maximale au niveau de la forme.N'évoquons pas le nouveau film de Keiichi Hara, à la bande-annonce tellement laide qu'elle m'a convaincu (je pense que ce n'était pas le but...) de ne surtout pas me déplacer pour aller voir ce film! Bon, après, je me doute que le nouveau Makoto Shinkai va encore sauver la mise (je jetterai également un œil au nouveau Masaaki Yuasa qui pourrait être une bonne surprise, qui sait?...); il y aussi Penguin Highway qui arrive au milieu d'août...Ne soyons pas défaitistes! Il y aura forcément un chef-d'oeuvre dans le tas! ;-)
Créée
le 2 août 2019
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