Promising Young Woman part d'une intention louable. Celle d'ajouter sa pierre à l'édifice de l'après-#MeToo en faisant le récit d'une jeune femme aux prises avec le sexisme ordinaire et les abus systémiques. Le but admis de ce film, clairement politique, est donc de confronter les hommes à leur attitude, et conforter les femmes dans la lutte. Le problème, c'est qu'il fait tout l'inverse.


Emerald Fennell, à la réalisation comme à l'écriture, commet une double erreur fatale dans sa façon de définir les enjeux et les acteurs de son propos. Ici, nous avons d’un côté des hommes, qui agissent en prédateurs, dénués de sens moral, qui sont à peu près tous dépeints comme cyniques, insensibles, voire beaufs et superficiels. De l’autre nous avons des femmes, toutes victimes en puissance, qui subissent les abus systématiques des hommes, qui sont perçues comme des bouts de viande par ceux-ci, et qui doivent se méfier de chacun d’eux (d’ailleurs même le prince charmant est un odieux témoin complice qu’on aura tôt fait de débusquer).


Le premier problème majeur, c’est qu’en définissant les enjeux des abus et du harcèlement sexuels selon ce schéma binaire, sans jamais chercher à comprendre ou montrer les origines du mal, on amalgame les hommes dans un rôle de prédateur, et les femmes dans un rôle de victime systémiques. Il n’est dès lors même pas question de savoir pourquoi ces comportements existent ou comment les combattre, mais simplement de relier des sexes à des rôles sociaux.
En agissant ainsi, on conforte les femmes dans leur place de victime, tout en alimentant leur méfiance à l’égard des hommes, et on confirme aux hommes leur place de bourreau, tout en créant de la défiance chez ceux qui refusent cette étiquette.


Le second problème majeur, et le plus grave à mon sens, c’est de faire de la vengeance une quête légitime, morale et intègre aux yeux du spectateur.
Déjà d’une part car ça conforte les femmes dans l’idée que la justice n’est pas de leur côté, et que chercher à se faire justice soi-même est la seule solution à ce qu'elle soit faite.


D’autre part, parce qu’en reliant une soif de vengeance légitime et juste à de l’auto-justice, ça conforte également les individus dans l’idée qu’agir en fasciste indépendamment des lois et du contrat social peut être une attitude respectable et louable.
Bien sur que la justice n'est pas parfaite, et qu'elle a encore beaucoup à faire pour soutenir et défendre les femmes victimes d'abus. Pour autant, peut-on accepter que les gens s'affranchissent des tribunaux et tombent dans des vengeances personnelles aux proportions aléatoires, ou bien faut-il travailler à faire évoluer la justice dans un sens qui puisse convenir au plus grand nombre ? A titre personnel, il me semble que donner au public ce type de modèles, dont les combats sont pour autant justes et particulièrement actuels, c'est faire courir le risque de véhiculer ce genre de raccourcis idéologiques et le conforter dans ses pulsions de vengeance.


Et enfin, et surtout, parce que plutôt que de chercher à apaiser et créer de la communion et un échange de parole entre les sexes, ce schéma appuie l’idée que les hommes sont de toute façon des êtres bestiaux et intraitables qu’il vaut mieux écraser en retour plutôt que de chercher à vivre ensemble. Autrement dit, femmes et hommes auraient toute vocation à se faire la guerre, et le seul moyen de lutter contre des oppressions, ça serait d'oppresser en retour.
Offrir des perspectives comme celles-ci, c'est refuser la pédagogie. C'est accepter l'idée qu'appliquer la loi du talion peut être juste, et qu'adopter le même comportement que son bourreau est une finalité désirable. En jouant à ce petit jeu, il devient très rapidement envisageable de réinstaurer la peine de mort ou d'appliquer la charia.
Et par-dessous tout, c'est conforter les gens dans des postures morales vengeresses, plutôt que de chercher à créer un progrès véritable basé sur une évolution solide des mentalités.


Alors Promising Young Woman finit par faire tout l'inverse que ce qu'il entendait faire. Plutôt que militer contre les abus et le harcèlement en faisant de la pédagogie, en cherchant à comprendre les comportements de chacun, et en créant du liant sensible entre les sexes, il ajoute de la tension et de la haine à un problème sociétal majeur qui n'avait pas besoin de ça en plus.

ANOZER
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le 1 avr. 2021

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