Deuxième long métrage pour Tarantino, et son approche cinématographique peroxydée se fait encore plus ciselée. Pulp Fiction, à l’instar de son prédécesseur, renoue avec cette volonté de se jouer de la chronologie narrative pour surprendre, et tenir en haleine à travers une architecture de montage fascinante, qui change à la fois de personnages et de genre (film choral, polar, comédie, tragédie) à travers un chapitrage salutaire qui se font écho les uns avec les autres. Quentin Tarantino se joue des tonalités, et méprise le sérieux d’une situation. Vecteur de tension dramatique et de situation tragique, Pulp Fiction, comme le reste de la filmographie de Tarantino, brouilles les pistes de son nihilisme proche du réel en se dévisageant par l’aspect fictionnel et satirique de la jubilation des dialogues, sa capacité à créer sa propre gloire (la danse mythique et l’entièreté de sa bande sonore) et l’amusement aléatoire et gratuit de la violence. De ce fait, Pulp Fiction, tient bien son nom avec la drôlerie situationnelle de la bêtise de ses criminels, mais ne signifie pas qu’il ne résout aucune thématique.


En faisant feindre de ne pas avoir de moralité, et si Tarantino joue au profanateur avec sa galerie de personnages freaks sans valeurs et son ricanement qui sent la poudre à fusil à canon, Pulp Fiction détient des enjeux véritables et est la composante imagée de tabous de la société moderne. Tout comme Reservoir Dogs, Pulp Fiction décrit cette Amérique, un monde proche de Lucifer qui s’annihile, où déambulent des losers pervers et des anti-héros je m’enfoutiste portant les stigmates d’un nihilisme presque capitaliste, où l’on voit, notamment Vincent Vega, choqué par le prix d’un milkshake à 5 dollars mais qui n’hésite pas à tuer pour payer le loyer. La violence extrême dans le film est une partie intégrante de l'esthétique extrêmement travaillée. Tarantino aime rire des scènes de violence telle que le meurtre accidentel de Marvin par Vincent. Comédie ou polar, c’est difficile à dire, et Tarantino dérive les conventions du film de genre afin de transmettre des thématiques sanguinolentes (port d’armes) d'une manière attrayante qui attire l’empathie et la singularité populaire grâce à sa fougue explosive.


Pulp Fiction est une tragédie sans la tristesse et une comédie sans l'intrigue comique. Alors qu’il ne joue pas du tout la carte de l’émotion lacrymale ni provocatrice, Tarantino émerveille par sa capacité à rendre dérisoire et burlesque la violence d’un monde acquis à sa perte (viol, meurtre, overdose). Pulp Fiction est un film hybride sur le hasard de la vie et la conscience des conséquences des actes dans un récit découpé en vignettes. Il est un film de gangsters dans un LA sans foi ni loi où chacun doit prendre sa chance en suivant son instinct presque primitif. Chez Tarantino, l’habit ne fait pas le moine. Qu’on soit habillé en costard ou en chemise hawaïenne, pauvre ou riche, chacun est à la même enseigne, tient son arme dans la main pour s’accommoder d’une prise de décision et de ce fait, pour créer une hiérarchie des forces en présence. Chaque situation se termine par le feu et la poudre. Chacun a une arme, que cela soit la jeune racaille étudiante qui essaye de blouser Wallace ou madame tout le monde qui tire à bout portant sur Mr Orange.


L’œuvre s’incorpore dans un contexte presque réel, où ça tchatche et prend la pause syndicale en parlant de sujets factuels ou de la culture américaine : série télévisée, Dieu, drogue, Royal Cheese, ou bouffage de chatte et massage de pied. Cette influence référentielle dans l’écriture de Tarantino est à première vue qu’un simple effet de manche, ou un réflexe purement comique, mais se révèle à la fois grandiose dans sa rythmique pour rentrer dans la culture populaire et surtout participatif, dans sa veine post moderne, à la caractérisation d’une époque et de l’agitation de ses protagonistes complétement barrés. Cette manigance entre l’écriture cinématographique et narrative, fait le génie d’un Tarantino, et lui acquiert son style unique pour tous, avec sa dialectique insolite, l'utilisation monumentale de la violence, la chronologie non linéaire, et sa puissante création de personnages intemporels.

Velvetman
9
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le 5 janv. 2016

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