Vous reprendrez bien un steack sanguinolent
Pulp Fiction, qu'est-ce que c'est ? C'est mon premier contact avec l'univers allumé de Tarantino. C'est un film que j'ai cru prendre en cours de route avant de réaliser que non. C'est un film qui sort tellement des sentiers battus qu'il m'a tapé dans l'œil. C'est aussi une suite de tranches de vie saupoudrées de dialogues croustillants d'une délicieuse absurdité.
Parce que oui, si vous vous apprêtez à regarder cette œuvre pour la première fois, je vous conseille vivement de brancher votre second degré à pleine puissance. Tout l'humour du film ne se base finalement que là-dessus : de ces malfrats bien propres sur eux discutant des différences culinaires et culturelles entre l'Europe et les Etats-Unis juste avant d'aller abattre quelques gamins à ce militaire qui raconte de manière très sérieuse comment il a préservé l'héritage du môme de son meilleur pote tombé au champ d'honneur (je vous laisse la surprise). Dans le monde de Pulp Fiction, les personnages ne sourient pas mais débitent des répliques particulièrement farfelues vu le contexte dans lesquels ils se trouvent. Et quand ce ne sont pas les conversations, ce sont les scènes elles-mêmes qui deviennent saugrenues (Travolta et Jackson en caleçon devant leur patron, ça n'a pas de prix !).
Mais Pulp Fiction, ce n'est pas que de l'absurde à ne plus savoir qu'en faire, c'est aussi une réalisation. Ce montage complètement aléatoire (ou pas) des différents évènements fait qu'on ne comprend le déroulement de chaque action qu'à la toute fin du film. Certains diront que c'est pour mieux cacher la misère d'une histoire creuse et sans intérêt, sans morale finale. J'ai envie de dire que ces gens n'ont pas compris le but de ce que l'on appelle "une tranche de vie". On suit ici plusieurs personnages sur une ou deux journées, dont les chemins vont finir par se croiser d'une façon plus ou moins improbable, bouleversant ainsi toute leur vie. C'est tout, il n'y a rien à chercher en sus dans cette fresque sur une poignée d'habitants de la Cité des Anges. De plus, je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'apporter une morale à chaque film pondu dans un recoin de cette planète.
Et puis les personnages sont tellement extraordinaires avec le peu que l'on sait d'eux, que je n'ai pas envie d'en savoir davantage sur leur biographie. Tarantino ne nous transmet ici que quelques miettes - plus ou moins grosses selon les rôles - sur ces femmes et ces hommes qui gravitent les uns autour des autres et ce qu'on apprend ne relève pas d'une profondeur philosophique transcendantale, mais on s'en fiche, on les aime quand même. Que ce soit John Travolta (en homme de main décomplexé qui se laisse gentiment porter par les évènements), Samuel L. Jackson (tête pensante du duo qui finit par gober ses propres sermons), Uma Thurman (brunette qui met le feu aux poudres partout où elle passe) ou Bruce Willis (qui, pour sauver ses miches et sa montre, va se retrouver de nouveau en sang), on s'accroche tous à eux avec une facilité déconcertante. La galerie ne s'achève pas là : on a encore un chef de gang local qui va chuter lourdement de son piédestal, une épouse française frêle et émotive, ainsi qu'un couple de paumés qui va prendre une décision qu'ils n'auraient sûrement jamais dû prendre.
Le film est également violent, mais pas autant que les métrages que Tarantino réalisera par la suite qui déborderont d'hémoglobine par tous les pores. Ici, il y a du sang et des balles qui fusent, mais rien qui ne vous retournera les tripes. On ne s'attarde pas sur les assassinats, au point que certains sont si soudains, si fugaces, que lorsqu'on réalise qui vient de s'en prendre une, la caméra est déjà en train de tourner la scène suivante. Bref, l'apologie du carnage - aperçue dans Kill Bill, Inglorious Basterds ou encore Django - est ici réduite à son minimum. Ca se regarde sans détourner les yeux, en piochant régulièrement dans le bol de cacahouètes.
Pas la peine de revenir sur l'excellent jeu des acteurs, même Tarantino délivre une bonne prestation ici tout en apparaissant assez longuement à l'écran. Non, l'élément final à souligner, c'est la musique. Ces vieux sons sortis tout droit du grenier accompagnent à la perfection l'ambiance doucement rétro de Pulp Fiction. Je dirais même qu'ils sont indispensables au film. Le rythme endiablé du Misirlou que l'on entend sur le générique du début est même devenu un morceau culte.
A voir absolument (et plusieurs fois pour bien tout comprendre du déroulement de l'histoire).