Un film traitant de la continuité d'une jeunesse perdue

"Pump Up the Volume" ! Un titre qui en dit long sur le thème traité : allumez votre radio & écoutez le messie qui vous dit de pensez par vous-même !

Alors oui, vu sous cet angle, le film peut paraître faussement rebelle, voire ridiculement socialiste ou utopiste. Là où @gallu lance une critique acerbe du film, rejetant tout avis de rébellion pour préconiser la fête, la drogue ou le séchage de cours, je réponds tout simplement : n'est-ce pas ici, malgré la déchéance, un moyen de libre-pensée ? Qu'importe la manière dont on se défait des traditions sociétales & des obligations imposées par son propre entourage. Ce qui compte, c'est de mener, comme il l'est clairement dit dans le film, la vie qu'on désire, pas celle que les autres décident pour soi.
Alors on peut bien critiquer le fait que Harry habite dans son sous-sol de 100m² ou roule en jeep. Ces richesses-là viennent des parents, & on s'aperçoit bien vite que Mark ne s'en sert que pour se débarrasser des oppressions restrictives dont il est victime. On peut bien être à l'aise en société sans se sentir bien dans sa peau, & affirmer le contraire montre paradoxalement une fermeture d'esprit affligeante. Mark se sert du matos offert par ses parents pour délivrer un message qui lui tient à coeur, non pour influencer qui que ce soit.
La radio avait à cette époque ce pouvoir d'expression libre qu'a l'internet aujourd'hui : on peut dire ce que l'on pense, on peut hurler ses désaccords sans toutefois persuader qui que ce soit. Mais l'important, c'est bien de montrer aux autres qu'il est possible de penser, le simple fait de penser est primordial, nécessaire à la vie. Mais comme dirait une certaine Simone Weil : "c'est tellement plus confortable de ne pas penser !". Mark s'oppose à cette doctrine qui fait que l'insertion sociétale ne s'opère que par une anesthésie de l'originalité de l'être. On forme, comme le montre "La Leçon" de Ionesco, des petits êtres parfaits, ayant d'excellents résultats aux examens, prêts à être envoyés au sein d'une société semblable à un cimetière dont toutes les tombes sont décorées & surveillées par un ou plusieurs vivants ne cherchant rien d'autre que le silence & le repos éternel chez les enterrés.
Mark n'est pas intégré à la société : extérieurement il s'efface, paraît être un intello de base, une coquille vide ; intérieurement il souffre de martyr & se sert de la radio pour se vider la tête de toutes les inepties auxquelles il assiste à longueur de journée. Si le rapport adulte/adolescent reste assez caricatural & manichéen, on perçoit néanmoins à quel point la cause revendiquée est importante dans le coeur de chacun. Toutefois cela montre à quel point les gens se laissent guider, voire manipuler : un être invisible dicte une façon de se comporter & le reste suit, sans broncher, car la forme est forte & le fond intéressant. C'est ici exactement le principe occidental du parti politique : peu importent les idées & les emportements, le militant adhérera forcément aux grandes lignes de son parti. Ainsi dans le film, une fille fait brûler sa maison : il est ici difficile de discerner la frontière entre volonté d'anarchie résultant du malêtre adolescent & dissidence aboutissant à la création non-voulue d'une idéologie sociétale (le principe de société revenant chaque fois & ne pouvant être aboli, qu'importent les solutions envisageables).
Malgré ces quelques incohérences, l'idée transmise est forte, même si la solution peine à convaincre. On est submergé de bout en bout par les délicieux égarements poétiques de Mark, ses remises en question philosophiques, sa manière de présenter son émission. Samantha Mathis est magnifique & ajoute une touche de glamour à un film dont l'atmosphère peut se révéler très lourde à certains moments. La bande-son est excellente & la mise en scène admirable.

Traitant d'un sujet constamment d'actualité, "Pump Up the Volume" est une référence pour l'adolescent moyen. A mi-chemin entre "Le Cercle des Poètes Disparus" & "Good Morning England", sa réalisation & sa trame ne déçoivent pas. On retiendra Christian Slater pour son interprétation magistrale, à moitié Superman, à moitié Clark Kent.
Satané
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le 11 juin 2012

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