Sur bien des aspects, Quelques jours avec moi marque dans la filmographie de Sautet une volonté de renouvellement. Par sa longueur, par sa tonalité, par le renouvellement de ses comédiens, et par son exploration de plusieurs genres différents.


Le film commence clairement comme une comédie satirique que ne renierait nullement Chabrol, sur la bourgeoisie de province et leurs dîners mondains, permettant à Lavanant et Marielle de s’en donner à cœur joie. Daniel Auteuil campe un original qui, au sortir d’une dépression, reprend les rênes de l’entreprise familiale et se met en tête de dire la vérité, ainsi que de vivre en accord avec son cœur, fut-il iconoclaste. Se met en place une sorte de Pretty Woman à la française, où le récit travaille un thème lui aussi nouveau pour le cinéaste, celui de la fracture sociale : du couple, mais aussi des groupes, notamment dans cette séquence assez savoureuse où l’on réunit de force loubards, prolos et secrétaire du préfet, dans une belle revanche sur les convenances et avec une irrévérence toute poétique.


Dans ce jeu complexe, tout est mensonge : on ne sait ce que désire réellement Francine, campée par l’insolente Sandrine Bonnaire, tout comme la famille restée à Paris joue un double jeu pour assurer son emprise sur l’héritier dérangeant. Les escrocs sont partout, et surtout aux sommets de l’entreprise ; la sympathie de Sautet va surtout aux classes inférieures dont il ne nie pourtant pas la possible violence, soucieux la plupart du temps de ne pas enfermer les personnages dans des types, permettant par exemple à l’ennemi Marielle de se transformer en allié indispensable.
Progressivement, la tonalité prend une nouvelle tournure : le trio amoureux se complexifie et délaisse la subtilité qu’il pouvait avoir dans César et Rosalie, de même que le tableau des bas-fonds se veut plus clinquant que dans Max et les ferrailleurs.


En dérivant vers le drame passionnel, Sautet y perd en finesse : le film souffre de pesanteurs et de longueurs inutiles, notamment dans les retours sur Paris. Certes, la cohabitation impossible entre le lunaire Martial et la brûlante Francine rappelle les malentendus dont souffraient Dewaere et Fossey dans Un mauvais fils, voire les atermoiements de Romy Schneider dans Une histoire simple. Mais c’est justement de simplicité que le récit finit par manquer, notamment sur un final auquel on ne croit pas trop.


Il n’en demeure pas moins que la charge satirique fonctionne, que la direction d’acteurs est toujours aussi efficace et la galerie de personnages croquée avec justesse. Mais avant l’épure sublime que sera Un cœur en hiver, Sautet s’est permis quelques gros traits qu’on ne lui connaissait pas.


http://www.senscritique.com/liste/Cycle_Claude_Sautet/1106493

Sergent_Pepper
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le 15 déc. 2015

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