Wouahou... Juste wouahou.
J'en ai vu des bizarreries nippones mais celle-là est parmi les plus singulières. Je préfère le dire dès le début : je n'ai absolument rien compris. Pourtant, j'ai essayé et je dirais même que j'ai persisté sur cette voie. Je voulais saisir l'endroit où le film tentait de m'emmener, sauf qu'au bout d'un moment on se dit juste merde et on regarde les scènes se succéder. Et j'ai pris un plaisir monstre à le faire.
Le film nous narre les péripéties d'un père de famille dont la femme est actuellement dans le coma. Ce dernier décide alors de se rendre dans le "bondage", un club sado-masochiste. Sauf que la particularité du"bondage" vient du fait que les prestations se tiennent en dehors du club et interviennent de manière plus ou moins inattendue, le tout pendant un an. Ainsi on verra notre bon papou se faire écraser sa bouffe par une gonzesse en latex, se faire balancer des escaliers, se faire fouetter sur son lieu de travail et noyer dans une fontaine. Et vu l'air satisfait (et cauchemardesque) qu'il tire à la fin de chaque humiliation, on peut dire qu'il aime bien ça le salaud. Malgré tout, le film semble vouloir être sur un registre plus ou moins sérieux, du moins dans la première partie. Première partie ponctuée d'une certaine mélancolie qui peut s'avérer particulièrement touchante. Mélancolie qui est d'ailleurs mise en place à travers le quotidien de son protagoniste, un pauvre homme dont le seul échappatoire à son quotidien morose semble être le sado-masochisme. On est surpris à se retrouver oscillant entre l'envie de pleurer et de rire. De plus le père, malgré ses délires sexuels plutôt subtils, s'avère être assez attachant. Cette première partie décrit la monotonie d'une société japonaise à bout de souffle, et ce de manière plus qu'intelligente à travers des choix esthétiques très efficaces et une réalisation assez inspirée. Une surprise de plus, moi qui m'attendait à un film qui ne se prendrait pas au sérieux, je me suis alors retrouvé face à une réflexion pertinente et efficace sur le Japon.
Sauf qu'ensuite, la deuxième partie débarque. Et là, autant le dire franchement, ça part en couilles de manière totale. On verra notre homme ligoté ( avec son gosse lui aussi attaché quelques mètres à côté) se faire cracher dessus par une femme obèse dans une scène montée de la plus drôle des façons (à la manière d'une youtube poop). A partir de ce moment, abandonnez tout, n'essayez plus de comprendre là où le film veut vous emmener car lui même semble ne pas le savoir; et il vous le dira par le biais d'une mise en abyme cultissime. On enchaîne les scènes en ayant l'impression à chaque fois d'en avoir vu trop et de ne plus pouvoir être surpris, sauf que le film persiste et continue encore de vous surprendre à la scène suivante. On est essoufflé par tout ce condensé de loufoqueries, et pourtant on en redemande. Pourquoi ? Parce que c'est totalement fun et ingénieux.
Quand un film arrive à ce point à procurer autant de plaisir au spectateur et à susciter toute son attention, on peut dire qu'on se retrouve là avec une grande oeuvre filmique. R100, c'est le plaisir du cinéma à son paroxysme. C'est un exercice de style qui met en place des codes narratifs pour ensuite les déconstruire et propose une oeuvre à l'esthétique révolutionnaire. C'est pour ça que ce film est autant réussi. En contrastant aussi habilement entre deux parties qui semblent radicalement opposées, le film nous invite à penser et à voir le cinéma d'une autre façon. Et ça marche foutrement bien. Le film n'est ni trop complexe, ni abrutissant, c'est juste une petite pépite de divertissement, artistiquement grandiose, et qui mérite d'être largement plus connue dans l'Hexagone. Quel film peut arriver à attrister, choquer, dégoûter et faire rire le spectateur de manière aussi efficace ? N'est ce pas là le but du cinéma que celui d'entretenir un rapport émotionnel fort avec le spectateur ? Et bien ce film y arrive, et avec brio.
Regarder R100, c'est avoir l'impression de faire face à quelque chose d'incompréhensible et d'inatteignable. C'est aussi l'impression de se retrouver face à une oeuvre qui va marquer et forger une partie de son imaginaire. Un très bon film quoi, alors maintenant tu arrêtes de me lire et tu vas le regarder tout de suite