Frédéric (interprété par le toujours très bon Pascal Greggory) a une quarantaine d'années et vit seul au Maroc, dans une propriété absolument magnifique. De quoi vit-il, nous ne le saurons jamais ? On peut l'imaginer écrivain ou rentier, peu importe. Il fait venir quelques ouvrières marocaines afin d'entretenir son jardin et va tomber immédiatement, presque trop vite, amoureux de l'une d'elles, prénommée Raja. Cette jeune fille orpheline ayant beaucoup souffert, vivant avec un homme qui l'utilise, est d'une timidité qui frôle la sauvagerie. Elle va d'abord refuser les assauts de Frédéric, mais celui-ci n'abandonnera pas. Insistant, persuasif, il va finir par la convaincre mais c'est lui qui changera d'avis, etc... Car ce qui importe finalement ici, ce n'est pas tant le scénario, pourtant très libre et très bien écrit, mais plutôt son thème, le marivaudage et la double manière de le traiter : l'indolence et la gravité, généralement contradictoire, mais ici, dans ce qui est l'un des plus beaux films de son cinéaste, si bien agencés. Il y a indolence car il fait chaud et beau au Maroc, les corps transpirent, se frôlent, la sexualité exhalée est omniprésente et la beauté des plans de Doillon, la chaleur de leur photographie, l'érotisation des couleurs marocaines, la liberté d'interprétation donnée aux acteurs, tous excellents, y contribuent fortement. Il y a gravité car c'est aussi un film sur la difficulté d'aimer, de se rencontrer, de vieillir, d'aimer quelqu'un de plus jeune, de plus âgé, d'une culture différente, d'une religion différente... Mais l'intelligence de la caméra de Doillon, qu'il utilise ici comme un stylo, nous rappelant parfois l'immense Eric Rohmer, fait que tous ces éléments se mêlent à merveille et génèrent un film d'une grande cohérence et d'un total ravissement esthétique.