Raphaël ou le débauché par Maqroll
Je l’avoue tout net et d’emblée, c’est l’un de mes films cultes. Peut-être parce que je l’ai vu à l’âge où il faut le voir (« On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans » écrivait Rimbaud), peut-être parce que je suis un incorrigible romantique, peut-être parce que j’ai toujours été particulièrement sensible à la « petite musique » qui court tout au long de l’œuvre de Michel Deville… Toujours est-il que dès les premières scènes, le charme agit : une musique de Bellini, une aube d’été, une femme qui sort de son lit et s’habille à la hâte pour rejoindre ses amies et aller contempler le lever du soleil. Le visage radieux mais empli d’une sourde anxiété, la comtesse, incarnée par une Françoise Fabian qui n’a jamais été aussi belle, ponctue alors ces instants de grâce par une réplique contenant tout le romantisme du monde : « C’est le dernier jour de l’été »… Et le film va conter à partir de ce point inaugural l’automne puis l’hiver d’une relation impossible entre cette jeune femme au cœur raffiné et cet aventurier brutal et désespéré sorti tout droit des Confession d’un enfant du siècle, dont la vie est sans cesse suspendue à un fil… La réalisation de Michel Deville est comme toujours d’une précision impeccable, le scénario, écrit en collaboration avec Nina Companez, est d’une intelligence rare et les acteurs sont dirigés à la perfection. J’ai déjà salué la beauté et le charme de Françoise Fabian, on peut rajouter ses qualités de comédienne hors pair, joindre le charisme et le talent de Maurice Ronet, d’une justesse touchante en dandy qui ne croit plus au ciel et noter la perfection de tous les seconds rôles, de Brigitte Fossey en amie fidèle à Jean Vilar en aristocrate cynique. Une réussite totale de sensibilité et de maîtrise cinématographique et l’un des meilleurs films de cet auteur immense qu’est Michel Deville, sans cesse à redécouvrir.