Religolo par Le Blog Du Cinéma
Après avoir suivi Sacha Baron Cohen en Kazakh mal dégrossi dans Borat, Larry Charles piste Bill Maher, vedette de la TV américaine et pourfendeur de l’hypocrisie religieuse. En ces temps de crispation et de « mauvaise foi », ce n’est pas sans déplaisir que l’on suit ce divertissement irrévérencieux souvent confus, parfois jubilatoire. Si bien que l’on aurait presque envie de prendre Religolo au sérieux.
On peut débuter en faisant état d’un regret quant au fait d’avoir décidé de tenter une traduction du titre ; Religolo en lieu et place du jeu de mot anglophone Religulous, bien plus fin et en phase avec l’esprit du film. Dans le dossier de presse, Larry Charles décrit ainsi les fondements des sociétés occidentales : « Un Dieu antique qui vit quelque part là-haut a un jour décidé de créer le premier homme, puis de créer une femme avec une de ses côtes. » Dans la même veine, ce même Dieu envoie son fils « accomplir une mission-suicide pour sauver l’humanité ». Funny ? Peut-être bien, mais assurément ridiculous. Comme dans Borat, le réalisateur fonde son métrage sur la présence d’un corps-personnage témoin, sorte de guide interne du film, ici sans l’ambiguïté docu-fictionnelle du précédent. Sacha Baron Cohen laisse la place à Bill Maher, ici à la fois scénariste, producteur et donc acteur. Il s’agit d’une véritable institution outre-Atlantique, comédien de stand-up et figure télévisuelle satirique, pour laquelle les religions ont été toujours une cible favorite, sur scène ou dans une des émissions phare de la chaîne ABC depuis 1993, Politically Incorrect.
Religolo tente une prise de pouls globale du fait religieux façon kaléidoscope d’images dont les statuts sont variables. On est transporté de Jérusalem au « Speaker’s Corner » de Hyde Park à Londres, où les prophètes les plus improbables professent, des Pays-Bas au Vatican. Cependant, on se situe beaucoup dans la visite guidée des communautés religieuses des États-Unis pour un impressionnant défilé de siphonnés : born-again, ex-gay devenu convertisseur de déviants, parc d’attractions évolutionniste, télé-évangélistes, luthériens de la 7e compagnie du 8e jour… Le documentaire reste ainsi largement ethnocentré ; il est assurément l’un de ces films qui vient solder les deux mandats plus que douteux de l’ère Bush fils, dont l’idéologie néo-conservatrice agissait au nom d’un christianisme fondamentaliste et sectaire. Mais à l’heure où un président d’une république dont la laïcité figure parmi les quatre piliers fondamentaux prétend, entre autres énormités, que les sociétés ont besoin de l’espérance que seul le religieux peut proposer, l’écho français ne peut être ignoré. Aussi, il faut être aveugle pour ne pas constater que la religion revendique et effectue un retour dans l’espace public ; les formes d’identification nationale, façon supporters de foot, à une guerre de Gaza aussi dégueulasse qu’atrocement complexe vont d’une certaine manière en ce sens.
Bill Maher et Larry Charles en promoteurs du doute et de l’impiété s’en donnent à cœur joie dans cette tournée des popotes. En interviewer, le premier fait parfois mouche avec des questions aussi simples que « pourquoi la foi c’est bien ? » Déstabilisé, un sénateur républicain a bien du mal à formuler une réponse. Il n’a pas son pareil pour faire hésiter ses interlocuteurs. Bon là il faut dire que le montage mené à cent à l’heure est tout à son avantage et vient enfoncer ceux-ci : bruitages, inserts d’extraits de films souvent kitschissimes ou d’images d’archives s’intercalent impitoyablement. La caméra fouille-tout et, il faut le dire, bordélique (esthètes s’abstenir) de Larry Charles, ainsi que celles de ses opérateurs souvent visibles à l’écran, n’est pas en reste. Elle se rend disponible pour saisir de ridicules saynètes, par exemple en filmant une reconstitution de la Passion d’un Jésus sanguinolent (Mel Gibson n’a qu’à bien se tenir) dans le parc Holy Land en Floride ou en s’attardant sur le passage d’un aspirateur ronflant dans la mosquée al-Aqsa de Jérusalem, ceci durant qu’un imam répond doctement dans une langue de bois en plomb durci à Bill Maher. Et l’on est carrément soufflé par l’absurdité des inventions d’un Géo Trouvetout juif spécialisé dans les stratégies de contournement des interdits de shabbat.
Que l’on s’entende bien, Religolo, sorte de zapping frénétique foutraque, n’a rien à voir avec la rigueur austère et beaucoup plus informative des séries de Gérard Mordillat et Jérôme Prieur (Corpus Christi puis dernièrement L’Apocalypse), mais cette prise de parole a quelque chose de revigorant. Beaucoup plus frontale et honnête qu’un Michael Moore, elle fait office de poil à gratter rentre-dedans bien plus efficace. On se serait passé du prêchi-prêcha final, mais on ferait bien sienne la maxime délivrée par Bill Maher en guise de conclusion : « Le doute sied aux hommes. » Pour ce film y compris, bien entendu…
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Auteur : Wesley
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