Rendez-vous Dieudo

Sorti en 2012, Rendez-nous Jésus marque une période sombre dans la carrière de Dieudonné, où ses prises de position et ses démêlés judiciaires le placent au centre de controverses majeures. Ce spectacle reflète cette dérive, affichant une perte totale du subtil équilibre qui faisait autrefois la force de son humour subversif. Ici, Dieudonné semble abandonner toute nuance pour sombrer dans une vulgarité et une agressivité marquées par des propos ouvertement antisémites.

Le spectacle débute en s'attaquant à Dominique Strauss-Kahn (DSK) et à l'affaire du Sofitel, mais la critique glisse rapidement vers des attaques généralisées contre Israël et les Juifs. Si le scandale DSK aurait pu ouvrir la voie à une réflexion sur des thèmes comme la masculinité toxique ou les abus de pouvoir, Dieudonné choisit une approche différente, bien moins constructive. Une telle analyse aurait pu anticiper des mouvements comme #MeToo, mais au lieu de cela, il opte pour une transition opportuniste et maladroite vers ses obsessions personnelles.

Au fil du spectacle, Dieudonné se livre à une comparaison exagérée entre lui-même et Jésus, se présentant comme une sorte de prophète moderne. Cette posture, mêlant mégalomanie et prosélytisme, s'inscrit dans une tentative manifeste de rapprocher les chrétiens de l’islam, tout en s’opposant frontalement à la religion juive. Ce message, qui semble servir davantage des intérêts idéologiques qu'une réelle visée humoristique, est particulièrement dérangeant.

Le spectacle souffre également d’un défaut majeur : il divise bien plus qu’il ne rassemble. Cela se manifeste par des moments où Dieudonné flirte avec une forme de racisme anti-blanc, comme dans sa description de l’arrivée de Jésus en Afrique via les missionnaires. Ces propos, loin de fédérer ou d’interroger sur le colonialisme, semblent chercher à flatter une partie de son public tout en aliénant l'autre. Ce clivage est renforcé par l’attitude de son auditoire, qui se montre parfois trop acquis à sa cause et manque de recul critique.

Ce public, d'ailleurs, alimente cette dynamique inquiétante. Les rires qui fusent lors des attaques répétées contre Israël ou de mentions de personnalités comme Bernard-Henri Lévy témoignent d’un état d’esprit collectif qui fait froid dans le dos. Cette ambiance renforce l’idée que Dieudonné ne joue plus simplement un rôle provocateur, mais qu’il s’adresse à une audience partageant largement ses idées.

En outre, le spectacle est ponctué d'un sketch particulièrement homophobe, qui, loin d’être drôle, renforce le caractère choquant et rétrograde de l’ensemble. Sur le plan artistique, le rythme du spectacle laisse également à désirer, rendant l'expérience encore plus laborieuse.

En résumé, Rendez-nous Jésus est un spectacle décevant, malsain et presque entièrement dénué d'humour. Dieudonné, autrefois maître dans l'art de provoquer la réflexion, semble ici se complaire dans des attaques gratuites et des opinions douteuses, au service d’un public acquis à sa cause. Il s'agit d'une œuvre inquiétante qui illustre la dérive de l’artiste vers une forme de militantisme idéologique problématique.