Rendez-vous à Kiruna par Patrick Braganti
Le nouveau film de Anna Novion (réalisatrice il y a quatre ans des Grandes Personnes) mérite qu'on s'y attarde, même s'il peine à se mettre en route - le comble pour un road-movie - avant de trouver dans la dernière demi-heure sa vitesse de croisière. Le comédien Jean-Pierre Darroussin, compagnon à la ville de la réalisatrice, offre un jeu artificiel, appuyé et donc peu crédible quand il s'agit d'interpréter Ernest, un architecte talentueux, désagréable et condescendant à l'égard des autres, son équipe à l'agence comme sa maitresse. De la même manière, alors qu'il part en Suède au volant de sa confortable voiture, la rencontre avec le jeune Magnus, qui rejoint son pays natal, a quelque chose de très fabriqué, encore alourdi par des détours scénaristiques. C'est à partir de la scène de la visite au grand-père de Magnus qu'enfin le film trouve le ton adéquat, juste et grave, sans pathos et avec retenue pour mettre en scène les blessures secrètes et les douleurs du duo de voyageurs. Au fur et à mesure qu'ils rejoignent le nord en quittant les axes autoroutiers, le paysage devient plus désertique, sorte de lande pelée engourdie par le froid et balayée par les vents. Le choix de l'épure et de la rareté des dialogues, explicable également par les barrières linguistiques, s'harmonise ainsi parfaitement avec l'arrière-plan. La prise de conscience de ses erreurs de comportement et des regrets qui ne manquent pas de les suivre s'accompagne chez le personnage d'Ernest de changements imperceptibles qui révèlent sa capacité à être attentif aux autres, enfin dépossédés de leur statut objectivé et utile. Sans effusion grandiloquente ou larmoyante, avec beaucoup de pudeur et de justesse, le dernier tiers du film parvient même à nous faire reconsidérer l'ensemble, pardonnant du coup les lenteurs du démarrage et la prévisibilité du développement de l'histoire.