Rendre la Justice est un film documentaire qui ne pouvait qu'attirer mon attention, moi qui par deux fois déjà, ai tenté le concours d'entrée à l'école nationale de la magistrature. Il s'inscrit dans la lignée du livre fantastique du journalise Dominique Verdeilhan intitulé Les Magistrats sur le divan. On y reconnait également avec plaisir des protagonistes de la récente série documentaire portant le nom de Un Procureur sur la ville.
Ayant lu l'ouvrage précité et visionné les cinq épisodes du documentaire susnommé, je savais à quoi m'attendre en allant voir Rendre la Justice. Enfin, je savais à quoi m'attendre sur le fond, sur l'état quelque peu déplorable de notre système judiciaire. Je savais aussi à quoi m'attendre en terme de personnalités exceptionnelles qui composent le corps des magistrats français, et qui viennent témoigner face caméra. Souvent sur les bords de Seine, en été, en pleine quiétude alors que leur métier est le siège de l’intranquillité. Je savais également que j'allais y trouver des visages familiers pour diverses raisons, surtout pour leurs passages plus ou moins fréquents à la télévision ou leur activité sur les réseaux sociaux. Ainsi, les interventions de Anne Caron Deglise, François Molins et de Youssef Badr m'ont été très précieuses.
Mais ce à quoi je ne m'attendais pas, c'était à l'omniprésence du symbolisme judiciaire, et encore mieux, un grand soin apporté à l'esthétisme dans la composition des plans. Les mouvements de caméra lents, souvent des travelings astucieux, autour des statues, renforçaient autant les allégories associées à la justice. Mais aussi la manière de filmer une salle des pas perdus du dessous, où l'on voit seulement les pied à travers une dalle vitrée, ou encore, la façon de cadrer certains magistrats avec le plus grand soin. Et lorsque le symbolisme rejoint le témoignage, le discours n'en est que plus percutant, comme lorsque Anne Caron Deglise dissèque la statue des Quatre captifs au Louvre afin de nous décrire l'état de la justice en France. Mais l'esthétisme se traduit aussi par la musique, où lorsque la pompe d'une audience solennelle de rentrée à la Cour de cassation, pleine d'hermines, est accompagnée du Nisi Dominus de Vivaldi.
On écoute également avec grande attention le célèbre Procureur général près la Cour de cassation, François Molins lorsqu'il nous dit que les deux qualités fondamentales du bon magistrat sont l'humilité et l'humanité. On ne peut que souscrire aux propos d'André Potocki, juge français à la Cour européenne des droits de l'Homme de Strasbourg lorsqu'il dit qu'il ne peut pas juger ses semblables mais qu'en revanche, il juge des comportements. Youssef Badr quant à lui est très touchant lorsqu'il relate son expérience en banlieue parisienne où certains prévenus le traitaient de traitre car il les poursuivait et n'avait aucune connivence avec eux.
Beaucoup de témoignages très forts, de réflexions profondes, d'anecdotes parfois insolites comme par exemple lorsque le procureur le plus important de France nous raconte son plaisir de faire de simples permanences au téléphone une fois l'an. Mais sur une note moins légère, nombre de magistrats qui témoignent espèrent à leur concitoyens qu'ils n'auront jamais à croiser la justice, comme le dit clairement Maryvonne Caillibotte.
Film soigné, au rythme lent permettant de bien s'imprégner de chaque mot, il permet d'aller à la rencontre d'hommes et de femmes d'exception au service de la société, et de l'idée parfois un peu abstraite de justice. Car oui, c'est un idéal mais aussi une institution, et tout cela requiert un dévouement sans faille. En écoutant ces magistrats, on se dit que la justice est entre de bonnes mains, et c'est une pensée réconfortante.