La fatigue du Toro
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le 14 oct. 2023
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Premier long métrage de Grant Singer, Reptile lui offre sur un plateau la prestigieuse collaboration de Benicio Del Toro, associé à la production et à l’écriture, et se révèle une prometteuse réussite.
Le récit ne cherche pas à révolutionner le genre dans lequel il s’inscrit, à savoir un polar où une enquête sur le meurtre d’une agente immobilière va tirer le fil de multiples implications, ouvrant le film sur une dimension presque chorale impliquant différents milieux, et autant de portraits pour le moins désenchantés.
Car Reptile est avant tout la construction d’une atmosphère, l’avancée de l’enquête procédant sur un enlisement progressif qui entraîne tout le monde dans les abîmes. La photo granuleuse, la lenteur des mouvements d’appareil, frappe d’une mélancolie un monde où tous les protagonistes accusent une sorte de fatalisme fatigué face à la marche désolante du monde. Ainsi des comédiens autour d’un Del Toro minéral, Alicia Silverstone, Justin Timberlake et Michael Pitt, vieillis ou amochés, parfaitement en phase avec ce silencieux aveu d’échec, et qui mâtinent d’un vrai souffle une intrigue assez classique, multipliant les suspects et les fausses pistes. Toute la mise en scène se met au diapason de ce pessimisme, que ce soit dans la façon de filmer les espaces, accrue par les visites de demeures de prestige par les agents immobiliers, ou de créer une distance face à quelques moments conviviaux (cette famille des flics, les scènes de danse), voire de traiter avec une tristesse presque tendre les rares incursion de l’humour (le motif du robinet automatique).
L’intérêt consiste surtout dans ce chassé-croisé entre classes sociales et milieux, et un travail sur le montage alterné qui trouvera son acmé dans une jolie convergence autour d’un téléphone, fusionnant et mettant au jour le filet toxique dans lequel se débattent les derniers individus honnêtes.
La tension presque paranoïaque qui en découle sera non seulement bénéfique au récit, que ce soit dans l’efficace scène d’interpellation par une voiture de police ou les doubles discours croissants de l’entourage du protagoniste. Mais elle permet surtout, quelle que soit l’issue, de construire avec une pertinence aigue un regard désespéré sur la nature humaine.
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Créée
le 1 oct. 2023
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