Alors je vais sans doute en contrarier plus d'un, mais à mon sens Retour à la 36ème Chambre est encore meilleur que son prédécesseur...
Contrairement à ce que beaucoup de gens affirment, il ne s'agit pas là d'une relecture du volet précédent. Et encore moins d'un remake...
Il s'agit bel et bien d'une suite. Avec des variantes, différentes thématiques. Mais l'univers est le même.
Gordon Liu y joue un nouveau rôle, tandis que King Chu Lee reprend le rôle de Liu dans le premier film, en une version plus âgée et plus sage.
Ainsi donc, l'univers du premier film est respecté. Et on a bien affaire ici à une œuvre complémentaire, bien que divergente.
La réelle différence entre le 1er et le 2ème volet est l'humour ultra présent dans ce dernier.
Il s'agit réellement d'une pure comédie. Une Kung-fu Comedy même (en 1980, Jackie Chan et Yuen Woo-Ping sont passé par là).
Et même si (à ma grande surprise d'ailleurs) certains ont été rebutés par ce changement de ton, pour ma part je trouve ce choix terriblement intelligent.
Là où le premier réussissait a nous prôner une certaine philosophie de l'art martial, via ses questionnements et ses énigmes... Ce 2nd volet nous propose non pas quelque chose de foncièrement moins sérieux, mais de juste plus léger, plus délicat.
En effet, l'art martial ici ne se traduit plus par un respect aveugle pour ses aînés et leurs arts, ni à se plier docilement à des exercices barbares. Mais plutôt par une compréhension de ses capacités, de son identité et de ses objectifs.
Le personnage du 1er voulait apprendre le kung fu pour savoir se battre.
Le personnage du 2ème y voit presque une obligation, une étape à franchir pour exister. Sans jamais savoir ce qu'est vraiment le Kung-fu en réalité.
Un héros forcément plus opportuniste, maladroit et moins investi. Mais pas moins touchant et motivé.
Quelle écriture géniale pour ce personnage !
Il nous est très vite présenté comme un anti-héros menteur, manipulateur et médisant. Qui se sert de déguisements au point de ne plus savoir qui il est.
Il entreprent alors une quête initiatique détournée afin de correspondre à l'image qu'il souhaite renvoyer de lui.... Tout en usant d'astucieuses magouilles pour s'en sortir, bien évidemment (on ne se refait pas).
Et plutôt que de constamment punir le personnage pour le remettre dans le droit chemin des moines impassibles, le récit choisit de se servir de cette personnalité atypique pour nous présenter une autre forme d'apprentissage et de développement.
Le ton comique et donc tout trouvé pour nous faire passer un message en douceur, avec subtilité et bienveillance (bien plus que dans le premier film).
On n'enfonce pas de force les préceptes dans le crâne du personnage. On ne le martyrise pas avec des épreuves barbares.
On le laisse apprendre par lui même, sans qu'il s’en aperçoive.
D'où les exercices du puit et de l'échafaudage.
Le jeune héros use de magouillage pour s'incruster et apprendre, son maître usera de magouillage pour l'instruire. Sans même qu'il s'en rende compte d'ailleurs.
Superbe écriture. Super bonnes idées. Le ton, la manière, l'écriture.. Tout est en adéquation avec le message, et cette vision plus élargie et chaleureuse des arts martiaux.
Évidemment à part son écriture, le film brille de toutes les manières possibles.
Le jeu d'acteur est plus évolué, notamment celui de Liu, dont le personnage est bien plus extraverti. Offrant alors une nouvelle facette à son jeu d'acteur, alternant pitreries facétieuses et remise en question existentielle, notamment dans une scène très touchante en début de film. Un jeu profond, assez admirable, qui est ici plus qu'ailleurs un vrai témoignage des qualités d'acteur de cet incroyable interprète.
La mise en scène est très perspicace également. Des plans d'ensemble en plongée pour nous dévoiler le décor où le personnage se glisse et s'infiltre, avec un grand culot d'ailleurs.
Des plans d'ensemble à paliers, avec les entraînements en bas, et le héros qui les copie en haut, dans un parallélisme millimétré.
L'humour, qui fonctionne toujours parfaitement, sans jamais être grotesque (à la Jackie Chan). Mis à part peut être un sidekick assez insupportable mais pas envahissant, heureusement.
Et puis c'est rempli de choses que j'adore !
Les références à des événements passés du film, qui ne sont jamais soutenus par des flash-backs forcés, mais qu'on devine par nous même (c'est rare pour les films de cette époque !).
Des combats super inventifs, qui offre un tout nouvel aperçu des capacités martiales de Gordon Liu dans un style de combat moins brutal et plus dansant.
Un montage super fluide qui donne un rythme plus qu'agréable.
Car oui, honnêtement même si j'adore les Shaw Brothers, je dois bien reconnaître que le principal défaut des films de cette époque est leur rythme. Souvent mal géré à mon sens, parfois des plans et dialogues qui respirent un peu trop, une alternance pas délicate entre moments d'action et retours au calme...
Par exemple, j'aime beaucoup La 36ème Chambre de Shaolin (le premier volet donc) mais je trouve que le film s'essouffle à la fin. En plus d'avoir un final assez contradictoire avec la morale du milieu de film.
Idem pour Les Exécuteurs de Shaolin. Très bon durant la première moitié, mais assez lourd et éprouvant durant la seconde, pour aboutir sur un final rushé et totalement incompréhensible.
En gros, le rythme c'est compliqué. Et c'est vraiment essentiel qu'il soit maîtrisé pour apprécier totalement le film.
Ici très clairement, c'est parfait. Absolument ZÉRO souci de rythme. C'est très clairement le Shaw Brothers le plus fluide que j'ai vu. Le film n'a absolument pas vieilli et c'est franchement admirable.
On ne s'ennuie pas une seconde et on suit avec plaisir une histoire prenante, un personnage touchant, des événements captivants et des touches d'humour vraiment bien fichues.
Un film terriblement attachant et prenant.
Du tout bon. En tous points.
Probablement une des meilleures Kung-fu Comedy. Jamais bête, toujours intelligemment construit dans ses idées et ses approches.