Resituer déjà Rien sur Robert dans son époque.La fin des années 90 où une brochette de cinéastes français et intellos déconstruisaient Godard,Rohmer et Sautet pour réinventer un style propre.Il y avait Desplechin,Bonitzer mais aussi des femmes réalisatrices comme Anne Fontaine qui n’y allaient pas de main morte pour secouer le cinéma d’auteur.Dans ce Rien sur Robert,le dispositif tient sur le désaccord amoureux paradoxal.C’est le personnage de Juliette( Sandrine Kimberlain,tout en désinvolture vacharde excelle) qui l’incarne le mieux et marque par sa volonté d’embrouiller Didier (Un Luchini qui bafouille,s’en prend plein la gueule et pas volubile pour un sou,ça vaut le coup d’oeil).Le pauvre amoureux malmené et tyrannisé va heureusement réagir en rencontrant Aurélie (Valentina Cervi tout en fragilité relative,entre femme-enfant et séductrice).Dans ce film, le dialogue est un accessoire pour masquer la vraie réalité des personnages à tel point que regarder leurs visages est tellement plus révélateur.Bonitzer s’amuse à créer du désaccord, de l’incompréhension et de la discorde dans son histoire pour égarer le spectateur.Tous ses personnages mi-fragiles mi-démons placardent des sarabandes où ils ne font qu’entrer en contradiction avec eux-mêmes.On aime ou on déteste mais ce cinéma rappelle que le marivaudage pas si bavard,faussement bordélique,est efficace en soi.Une autre raison d’apprécier Rien sur Robert,c’est la critique de classe.Le faux article sur le film bosniaque pondu par Didier et son intérêt pour la veste de Jérôme Sauveur plutôt que ses écrits montre une petite bourgeoisie pseudo intellectuelle se complaisant dans l’artifice et le paraître.Ca fait tâche et c’est trés percutant.Mais que ce petit poseur de Didier soit souffre-douleur,découvre une autre façon d’entrer en séduction autrement qu’avec son cerveau,prouve la complexité d’appréciation qui ne condamne pas tout à fait.Et cela est bien joué,habile (observer aussi les contradictions de Juliette et Aurélie par la même occasion).J’ai été content de voir Rien sur Robert maintenant et me dis que je l’aurais moins apprécié à sa sortie en 1999.Un bon film se goûtant comme un bon cru surtout sur le tard.