En 1987, sortait dans les salles de cinéma un film de science fiction/action qui, après la sortie 2 ans plus tôt d’un certain autre long métrage mettant en scène un robot tueur portant le nom de Terminator, allait lui aussi bouleverser le genre. Son titre : Robocop. Ici, le spectateur sera face à une œuvre plutôt inhabituelle puisqu’elle choquera par sa violence extrême, tout en abordant de manière critique de nombreux thèmes sociaux : la désinformation des médias, la société de consommation, l’évolution de la technologie et ses dangers, l’industrie des armes, les problèmes d’identité, la corruption, l’avidité et les dérives de l’humanité. Replongeons dans l’univers futuriste culte de Paul Verhoeven.
Si vous craignez la castagne, mieux vaut rester dans votre lit !
On a eu du soldat ayant vécut le traumatisme de la guerre du Viêt-Nam qui tentait de se reconstruire et de donner un nouveau sens à sa vie dans Rambo, du robot tueur venu du futur pour tuer la mère du futur chef de la résistance dans Terminator, du milliardaire ayant construit un parc d’attractions comprenant de vrais dinosaures dans Jurassic Park, un ancien flic évoluant dans un monde post-apo en proie à la violence et au chaos dans Mad Max, un chasseur alien qui n’avait pas une gueule de porte bonheur dans Predator, un flic ronchon toujours au mauvais endroit au mauvais moment dans Die Hard, un adolescent ami avec un scientifique l’envoyant plus de 20 ans dans le passé pour sauver sa famille dans Retour vers le futur, un groupe d’astronautes piégés dans un vaisseau avec un Alien pas vraiment commode dans Alien. Ne les énumérons pas tous, ça serait trop long. Ici, on va s’intéresser à un autre film ayant laissé un héritage important dans la pop culture : Robocop, l’histoire d’un flic décédé, ramené à la vie pour devenir un robot-flic. On ne compte plus le nombre de références que cette trilogie a pu avoir dans les séries tv/Films/Dessins animés, tout comme le nombre incalculable de produits dérivés de ces films (figurines, comics, etc..). Robocop c’est un phénomène universel.
Pourtant, si on se réfère à son affiche et à son synopsis, Robocop a tout du nanar de science fiction/action bête et violent. Cette œuvre est loin d’être si stupide. Bien au contraire, il s’agit là d’un film bien plus complexe qu’il n’y parait. L’histoire a beau être simpliste, le message, la critique qui se cache derrière, vaut tout son pesant d’or.
A travers cette histoire, Paul Verhoeven, tout comme dans son Total recall et son Starship Troopers, prend plaisir à se moquer de la bêtise humaine, tout en laissant aller ses idées visuelles et son talent de conteur. Tout n’est pas que critique de la société, de femmes et d’hommes s’adonnant aux excès de sexe et de drogue, de relations de haines entre les cadres de grandes entreprises. Robocop, c’est avant tout un film de science fiction. Verhoeven ne manquera pas de nous le rappeler.
De l’action non stop accompagnée d’effets spéciaux et d’animatronique manquant cruellement aux films d’aujourd’hui. Aux yeux de certains, les effets spéciaux sont kitchs (rien que les déplacements du Mecha-robot de l’OCP: l’ED 209 font mourir de rire), dépassés, craignos, on s’en moque, on s’éclate parce que l’histoire est intelligente et rythmée, parce que les méchants sont charismatiques et pourris jusqu’à la moelle, parce qu’on est émerveillé par le travail sur le maquillage/prothèses/costumes/décors/accessoires. Quant aux répliques, la photographie, le casting et les musiques (dont le thème principal), ils sont savoureux.
Directives prioritaires : 1 Etre aux services des citoyens 2 Protéger
les innocents 3 Faire respecter la loi
Une âme sous cette couche d’acier
Peter Weller est le choix parfait pour incarner ET Alex Murphy, ET Robocop. Les mimiques, la voix, les déplacements, le menton prononcé (qui, pour ma part, m’a directement fait penser à la mâchoire de Schwarzy). Ce qui amuse, c’est qu’humain, Murphy a une morphologie plutôt fluette. Devenu Robocop un peu plus tard, l’armure le fait devenir solide comme un roc.
Le développement du personnage amuse. Mais pourquoi ? Parce que, quand on fait sa connaissance, Murphy n’est encore qu’un humain. Pour le peu qu’on le verra sous cette apparence en début de film, on s’y attachera. Peut être parce qu’il dégage cette personnalité à la fois cool et sympathique ou bien est-ce le fait que ce soit un flic loyal et père de famille exemplaire. Qu’importe, il gagne très vite notre sympathie (il en va de même pour Lewis). Alex n’aura même pas le temps de terminer sa première journée de boulot qu’il est laissé pour mort par un groupe de criminels dirigés par un tueur de flics.
La plus abominable des scènes nous est montré. Jamais dans l’histoire du cinéma on aura vue une mort aussi trash pour un personnage principal. Les cris de souffrance du héros, son sang coulant à flot, ses membres déchiquetés sous nos yeux, le réalisateur veut choquer (et continuera tout le long du film) et pour ça, il va dans l’excès de violence. Scène insoutenable, injuste, on souhaite que justice soit faite. Et ca arrivera. On a hâte.
Seulement avant, Alex doit obtenir un nouveau corps (voyez l’intelligence du caméraman filmant du point de vue de notre héros). C’est là toute la « beauté » de Robocop. Le corps de notre protagoniste a beau être destructible, son âme elle ne l’est pas. Comme pour le T-101 dans Terminator 2, bien qu’abordé différemment, sous la couche d’acier de Robocop, il y a une âme éternelle, des émotions. N’oublions pas non plus que Murphy avait une femme et un fils. Que c’est-il passé pour eux ? Que va-t-il se passer pour cette famille détruite par la mort de cet homme ?
« -Résister provoquera votre mort.
-Vas te faire huiler ! »
ROBOCOOOOOP TON UNIVERS IMPITOYAAAAABLEEE
Verhoeven pousse encore plus la souffrance du héros. En plus d’avoir été physique, elle sera mentale. Ceux qui l’ont ramené à la vie contre son gré, puis créés dans un corps robotique (où il ne reste de l’ancien Murphy que le visage) ont beau avoir tenté de lui effacer la mémoire, les souvenirs de son passé d’humain sont restés en lui. Confronté bien plus tard dans notre histoire à des cauchemars de sa mort et visions de son existence passée, Robocop partira à la recherche de son ancienne vie. Qui était-il ? Mais surtout, qui l’a tué ? Peu bavard, réduit à manger des pots pour bébés, ce nouveau Murphy, plutôt Robocop, a un humour sarcastique qui le caractérise plutôt bien, amuse, collant à la perfection à l’ambiance cynique du film. Comment oublier cette séquence où il sauve une jeune femme sur le point de se faire violer ? Robocop ne laissera aucune chance à ceux qui ne respectent pas la loi. La touche de fun supplémentaire dont on a besoin afin d’oublier un peu l’atrocité de l’histoire. Les restes d’un homme entre la vie et la mort, enfermé dans la carcasse d’un robot alors qu’il n’a rien demandé, puis utilisé par une société à des fins policières « ambigües », ça fait peur. Dans le même genre on a eu récemment Transcendance. Du pur drama existentiel.
A travers ces 1h40, le réalisateur, en plus d’annoncer clairement ce qu’il risque d’advenir à notre planète condamnée à sa perte, fait évoluer ses personnages dans un monde futuriste où la loi du plus fort règne en maitre. Les dirigeants véreux d’une entreprise, les pauvres qui ne sont que déchets et qu’il faut évacuer afin de raser la ville pour en construire une neuve (Delta City), ce robot n’étant pas considéré comme un héros mais comme un nouveau produit à la mode, la ville devenue un terrain de jeu pour la racaille, ces médias formatant intentionnellement ou non le citoyen à la violence à coup de pubs faisant l’éloge de la sauvagerie humaine (cf le jeu de société) alors qu’on cherche à banaliser la violence (voyez la bêtise). Pas de place pour les gentils !
« Laissez-moi-vous expliquer un point : il n’a pas de nom, c’est un
produit. C’est clair ? »
Au final, Robocop c’est pas de la camelote, c’est pas à jeter à la casse contrairement à ce ED-209 qui galère en descendant des escaliers, c’est du film culte par excellence. Bourré de second degré tout en étant sérieux, efficace, captivant, impressionnant, fun, futuriste, spectaculaire, violent (mais justifié), trash, tragique, émouvant, héroïque, le tout accompagné par une somptueuse bande originale signée Basil Poledouris. Pur sacrilège de ne pas découvrir ou redécouvrir ce chef d’œuvre.