"Il me faut partir et vivre ou rester et mourir."

Il est des films que le temps ravine doucement mais sûrement. Les choix artistiques forts et percutants d'une époque peuvent tomber complètement à plat quelques décennies plus tard. Ici, rien de ça ! Un pur bijou qui ne vieillira jamais ! Un objet sans âge si ce n'est celle du génie de Shakespeare lui-même à des années lumières de toute mièvrerie comme le cinéma sait si bien les composer de temps en temps... Ce film, c'est un coup de poing dans la face ! Un coup bas en plein cœur ! Ce film, c'est tout le propos de Roméo et Juliette, c'est la jeunesse éternelle dans la souffrance et dans la mort ! En 1597, Shakespeare hurlait déjà à qui voulait l'entendre à quel point l'amour le plus pur est impuissant dans un monde où tout s'écroule sous la puissance de la haine. Baz Luhrmann nous dit exactement la même chose 399 ans plus tard ! Je revois régulièrement ce film depuis sa sortie il y a 25 ans et à chaque fois je le trouve de plus en plus fort ! On ne voit pas des "personnages" balançant leurs répliques au kilomètre mais un texte d'une modernité foudroyante renaître à la vie. Les moindres détails sont travaillés, jusqu'aux gravures de quelques millimètres sur les armes (sword, rapier, etc). Les éléments de décor, de costume ou d'accessoires sont là pour rappeler toute la théâtralité non pas du récit, mais de la vie toute entière dont les médiums "théâtre, ciné, TV" ne sont que des témoins placides d'une vie qui forcément dépasse le cadre de la représentation. Où commence et où s'arrête cette représentation d'ailleurs ? L'honneur, l'amour, la famille, la religion, la vie ne sont-ce pas tous que des plate-formes de l'éternelle mise en scène du vivant ? Baz Luhrmann ne ressuscite pas une pièce du XVIème siècle, il nous rappelle à chaque seconde que nous sommes tous des Tybalt, des Mercutio, des Roméo ou des Juliette. Mais comme pour les sentiments essentiels de l'enfance que nous mettons toute notre vie d'adulte à effacer méticuleusement, nous l'avions juste oublié...

PS : ce film est à voir impérativement en VO...