Un peu trop de forts molles.

Je ne comprends pas l'engouement général à la vision de ce film. Il me laisse le même goût amer que lorsque quelques années auparavant, je voyais défiler le générique du Moulin rouge sur un fond de musique romantique. Mais cette fois c'est à un monument que l'on s'attaque, ce n'est pas un banale histoire de cœur, c'est un chef d'oeuvre classique qui compte le sort de deux personnes qui s'aiment dans la mort et qui se donnent leur vie.

Pourquoi autant de bonnes notes ? Pourquoi cette unanimité ? J'avoue être surprise, voire choquée, car pour moi Roméo + Juliette n'est pas à la hauteur de Shakespeare, bien trop haut perché sur son balcon.
Il me semble que cette histoire de passion demande une puissance visuelle énorme, une tension insoutenable, comme un funambule perché sur son fil à des centaines de mètres du sol. Roméo et Juliette c'est l'amour à l'état brut, c'est le sacrifice le plus grand, c'est la beauté d'un sentiment chaste et incompris, c'est une impossibilité à pouvoir exprimer ce qui tort de l'intérieur, qui brûle, qui consume les êtres.
Roméo et Juliette est une histoire qui élève l'homme au ciel, le rend digne et majestueux. C'est comme si le courage des personnages autorisait leur égoïsme de jeunes gens bornées à s'aimer envers et contre tous.
Mais que reste-t'il de cela dans ce film ? Pas grand chose à mon goût. Des esquisses, des essais plus ou moins réussis selon la scène. Tout va bien trop vite, dès le début. C'est too much, c'est facile, c'est peinant à voir. Juliette est fade, elle a autant de parfum qu'une rose du Bengale pour citer Musset. Elle n'est ni belle, ni juste. Elle est juste là. Roméo est trop lisse, comme dans la caricature d'un amoureux d'antan.
Transposer cette histoire de manière moderne est une idée intéressante, mais le résultat prouve que les choix du réalisateur sont peu comparables à la beauté d'un tel amour.

Au début on se croirait tout droit plongés dans le Ve élément, beaucoup de plans, de couleurs, de mouvements, de paillettes; un travelo défoncé qui dit n’importe quoi sous prétexte qu'il est de mèche avec les étoiles... Les plans successifs font penser à des mauvais clips, à en faire convulser un épileptique. Les répliques fusent et nous nous perdons Shakespeare, noyé dans la mer, ou laissé sur le bord de l'autoroute. Vérone est une ville bien étrange, fabriquée, superficielle. Le peuple ? Des figurants, des pauvres gens qui n'ont aucun rôle dans le scénario tragique de nos amants. Le prêtre est mal traité, il perd de sa sagesse, de son importance capitale dans la communication des amoureux. Le père de Juliette est un gros con insupportable et fait quelques apparitions tyranniques, alors qu'il dit de si justes choses dans ses monologues de fin, bien sûr coupées dans le film. En écrivant j'ai du mal à dégager des aspects positifs, mais il y en a tout de même : la mise en scène est belle (quoique le tombeau est dégoulinant de mauvais goût, putain mettre des néons sur une cinquantaine de croix fallait oser, on dirait une fête foraine mortuaire...), certaines photographies sont réussies, Mercutio est ultra sexy et les scènes dans l'église ont de la gueule. Mais je suis restée de marbre, et il ne m'a pas fallu 24h...
Alors je le répète, qu'est ce qui plait dans ce film ? Dicaprio et sa belle gueule ? Les scènes qui s’enchaînent sans liens ? Les beaux costumes ?
Je suis désolée mais ça ne suffit pas. Pour faire une belle adaptation de l'oeuvre, il faut se remonter les manches et éviter de tomber dans un mélange d'actuel (prendre des exctas et voir flou est assez ridicule dans la scène de rencontre, quel est l’intérêt ?) et de blockbuster américain des années 90.

Qu'en advient-il de la désolation des familles ? Des corps morts qui pèsent sur les épaules des parents ? De la réplique du prince de Vérone qui clôture cette tragédie (dite dans un journal télévisé bidon, outrage!) ? Où est la poésie ? Où sont les flammes dans les yeux des jeunes aimés ? Trop de choses perdues ou trop bien cachées ma foi.

Je suis consciente que ce film à 20 ans et que je me réveille un peu tard (je ne suis d’ailleurs pas la seule!), mais je me devais ce coup de gueule.