Dans l'attente du verdict de son procès pour le meurtre de son compagnon mafieux Leo Darcy, Mary Martin aka "Midnight Mary" plonge son esprit dans la bibliothèque du greffier qui lui a amicalement prêté sa loge et dans laquelle sont consignées, sous la forme de gros volumes, ses trente sept années de carrière au tribunal. A chaque volume correspond une année. Une année de travail dactylographique pour le juriste, une année de vie plus ou moins chaotique pour l'accusée. L'année 1919 par exemple correspond au décès de sa mère et, du fait de son très jeune âge à l'époque, au début de sa glissade dans l'illégalité. Et ainsi, volume après volume, année après année, Mary retrace le fil de sa vie et lie entre eux les évènements qui l'ont menée jusqu'au seuil de la prison.
Son histoire est celle d'un conte de fée. Acoquinée depuis longtemps avec un gangster de renom dans le milieu, Mary fait la rencontre, au grès du casse d'un casino huppé de la ville, de Tom Mannering Jr., un brillant et séduisant ténor du barreau et fils d'une illustre et richissime famille de juristes new-yorkais. Le coup de foudre est instantané. Et la perspective de vivre enfin une vie sûre, saine et légale, trop tentante pour cette fille des bas-fond de la Grosse Pomme qui écume, depuis son orphelinat, les principaux centre de détention et quartiers les plus mal famés de la mégalopole. Mais après une courte idylle, pour protéger l'homme qu'elle aime de l'homme qui l'aime, elle est obligée de rompre brutalement et sauvagement avec lui. Des années plus tard, après un énième séjour en prison et avoir cédé une énième fois aux sirènes du milieu, Mary recroise Tom, marié, dans le hall d'un grand restaurant. Leur complicité saute aux yeux. Elle est foudroyante. Le sang de Léo ne fait qu'un tour : il n'aura de cesse de traquer le jules de sa femme tant qu'il n'aura pas goûté au plomb de sa sulfateuse... Cette fois c'en est trop pour la belle. Il est enfin temps de prendre position et d'attraper la perche tendue par Amour et Destin. Et c'est ainsi que d'une balle dans le buffet elle étend son compagnon dans la mort et l'envoie manger les pissenlits par la racine...
De retour au tribunal, alors que les douze hommes du jurés ont fini de délibérer et ont convenu à l'unanimité de la culpabilité de Mary, entre en scène, tel un preux chevalier, le vaillant Tom, venu à la rescousse de son amie en perdition et, faisant fi de toute convenance matrimoniale et familiale, déballer sur la place publique son amour inconditionnelle pour l'accusée. Prouvant à l'assistance électrisée et à la défense médusée la valeur et le courage de son âme sœur, il parvient à obtenir, au jour de nouvelles informations donnant à Mary des circonstances atténuantes, un report de l'audience et un jugement en appel dont il assurera lui-même la plaidoirie.
Même si l'histoire m'a énormément plu, le traitement lui m'a beaucoup moins convaincu. Loretta Young, qu'on ne voyait que trop peu dans Heroes for sale, le précédent film de Wellman, est magnifique en femme forte, tout comme l'est Ricardo Cortez, toujours parfait pour jouer les canailles enjôleuses. Mais quelque chose m'a manqué pour être pleinement satisfait du film et je ne saurai dire de quoi il s'agit. Dans tous les cas, Midnight Mary est un bon film de l'ère pré-Code avec sa morale à contre-courant de l'époque, ses mœurs à l'opposé du puritanisme ambiant et son empathie/sympathie symptomatique pour les gangsters et les prostituées avec qui elles fricotent. Sur un thème presque identique, Wellman a toutefois fait bien mieux avec Frisco Jenny l'année précédente.
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