Le 27 février 1943, les SS de la Leibstandarte Hitler ont arrêté les derniers juifs de Berlin. Ils avaient été momentanémént protégés parce qu'ils travaillaient dans des usines vitales pour la Wehrmacht, d'autres parce que mariés à un conjoint allemand de sang et ne tombant pas de ce fait sous le coup des lois de Nuremberg. Un certain nombre d'entre eux sont enfermés dans un immeuble abritant précédemment un bureau d'aide social juif au 4, rue Rosenstrasse. Les épouses ne voyant pas leurs maris rentrer après le travail puis ayant appris où ils se trouvaient, se sont regroupées pendant des semaines, jour et nuit, devant l'immeuble en exigeant leur libération. Elles l'ont obtenue par leur persévérance malgré toutes les menaces et les intimidations. Hitler et ses sbires n'ont pas cédé par un accès subit de clémence mais parce que, après la défaite de Stalingrad et les revers sur le front russe, ils craignaient un revirement de la population allemande qui voyait fils et maris mourir sur ce front.
Cet épisode de résistance, d'opposition intransigeante et massive de la Rosenstrasse est peu connu en Allemagne et encore moins hors du pays. C'est le grand mérite de Margarethe Von Trotta de le faire connaître. Le mode de narration retenu introduit une part de fiction qui a le mérite de donner au film une portée accrue et sans doute plus puissante qu'un simple documentaire.
Le film est a verser au dossier Résistance allemande où il côtoiera Sophie Scholl, les derniers jours de Marc Rothemond, Seul dans Berlin de Vincent Perez, Une vie cachée de Terrence Mallick ou encore Elser, Un héros ordinaire de Oliver Hirschbiegel. Il nous rappelle qu' il y a toujours quelque chose à faire, même dans les pires moments. Il doit nous remettre en mémoire que la Shoah ne s'est pas abattu sur une communauté un beau matin par hasard, mais elle est une action préparer méthodiquement, pas à pas , étape par étape et il n'est pas inutile de relire La destruction des juifs d'Europe de Raul Hilberg.
Le 15 septembre 1935, trois lois,connues sous le nom de lois de Nuremberg, furent promulguées dans l'Allemagne nazie. La première traite du nouvel étendard, elle abolit celui de la République de Weimar et instaure la croix gammée sur fond rouge et blanc, la seconde définit la qualité d'allemand et la troisième porte sur la protection du sang allemand et de l'honneur allemand.
Si la première loi est simple à appliquer car relevant essentiellement de l'industrie textile, les deux suivantes se révèlent plus complexes à mettre en œuvre. Le juif est évoqué mais pas défini et ce n'est que quelques semaines plus tard que des décrets en donnent une définition religieuse reposant sur une identification par déclaration obligatoire avant 1875. Est désormais réputé juif celui ou celle qui compte parmi ses grands-parents au moins deux aïeux qui s'étaient déclarés comme tels du temps où chaque allemand devait se définir par son appartenance religieuse. Aucune définition raciale, le juif est désormais défini par sa religion et par la haine dont il fait l'objet. Les délires anthropométriques d'une clique de pseudo-scientifiques n'auront pour fonction que d'alimenter la haine ordinaire des antisémites traditionnels.
Désormais l'exclusion professionnelle des juifs et l'interdiction de tout mariage entre juifs et allemands de sang pouvaient se mettre en marche. Les mariages contractés avant 1935 doivent être dissous par le divorce. Si beaucoup de divorces ont été prononcés à la demande d'un des conjoints, ce ne fut pas toujours le cas car bien des couples « mixtes » résistent aux pressions.
Les lois de Nuremberg avaient pour fonction de séparer la population allemande en deux groupes distincts et antagoniques pour inciter les juifs allemands ou les allemands juifs à quitter le pays. La première étape pour rendre l'Allemagne « Judenrein » ( débarrassé des juifs) était de les inciter à émigrer soit volontairement soit en pratiquant la terreur (Nuit de cristal). C'est avec l'invasion de la Pologne en 1939 que commencèrent les meurtres de masse de juifs en Pologne. Ce n'est qu'à partir de la conférence de Wannsee en novembre 1941 que débute la « solution finale » c'est à dire l'arrestation, la déportation et l'extermination des juifs d'Allemagne et des pays européens occupés.
Si arrestations et déportations vers des camps implantés hors du territoire allemand n'étaient pas secrets, la nature des camps de...regroupement et ce qui s'y passait, c'est à dire des meurtres de masse, était entouré du plus grand secret. Cela explique en partie les précautions dont les nazis s'entouraient concernant les arrestations de conjoints juifs surtout après la défaite de Stalingrad. Il fallait que le front intérieur ne cède pas.