Run
4.1
Run

Court-métrage de Arthur Chevalier (2020)

J'attaque l'édition annuelle du Mobile Film Festival avec ce court-métrage qui s'est démarqué par l'activité qu'il a suscité sur la plateforme. Un rapide coup d'œil m'a appris que sur les 60 critiques disponibles - un record pour ce genre de festival sur SensCritique - , 58 sont des pseudo-critiques dithyrambiques de deux lignes écrites avec des comptes sans image de profil et ayant pour unique note ce film-là. Donc, très certainement des comptes à usage unique et des faux comptes en doublon créés par l'entourage du réalisateur souhaitant apporter leur soutien. Malheureusement, cette pratique est très mal perçue sur ce site. On commence fort. De toute manière, un aperçu global sur le festival semble démontrer que le niveau sera similaire à celui de l'année précédente qui était catastrophique.


Commençons par le titre : « Run », un anglicisme pour un métrage français. Rien d'anormal jusque-là, on est habitué depuis quelques années. Parce-que c'est ça être un français moderne : ne plus parler français. Notre langue aurait très bien pu fournir les mots pour cela mais ne nous attardons pas trop là-dessus, ce n'est qu'un détail parmi tant d'autres. Premier véritable problème : on est hors sujet, n'est-ce pas ? Je concède le fait que je n'ai pas un niveau d'anglais très impressionnant, mais jusqu'à dernier ordre, « women's empowerment », cela signifie bien « prise de pouvoir des femmes » non ? Littéralement. Pourtant, le court-métrage que je suis en train de visionner n'aborde même pas le sujet. Où est la prise de pouvoir ? Où est la responsabilisation, la liberté, l'épanouissement ou je ne sais quoi ? Je ne vois qu'une femme en position de souffrance, qui se place en victime systématiquement comme par réflexe de survie.


J'avoue ne pas savoir comment réagir face à cela. D'une part, je suis décontenancé de voir quelque chose aux antipodes du sujet imposé par le festival, mais d'autre part, je sais pertinemment que la thématique se prête très bien au jeu des supplications moralisatrices. Conséquence de cela, je pense que l'on va avoir le droit à beaucoup d'exemples similaires de hors sujet dans l'édition de cette année, comme l'année dernière, où déjà nombre de participants s'étaient contentés d'effleurer la surface du sujet et faire un peu de dénonciation et de morale.


Ensuite, ce n'est pas très bien réalisé. Prenons le tout premier plan, qu'est-ce que c'est que cela ? Un plan avec la caméra au ras du sol mais qui reste quand même en mouvement et qui suggère un effet de contre-plongée, seulement l'actrice a une trajectoire complètement désaxée vis-à-vis du cadre et disparaît sur le côté droit. Pourquoi ce choix ? Pourquoi avoir filmé ce plan ainsi ? C'est très bizarre et ça ne signifie rien en termes de langage cinématographique. Sur le deuxième plan, on observe clairement au moins 5 silhouettes dans ce tunnel qui n'en est pas un, et puis sur le plan d'après il n'y a plus personne jusqu'à l'apparition fortuite d'une menace masculine. Énorme faux-raccord qui vient trahir la promesse-même du métrage, à savoir « une femme seule face à un homme potentiellement hostile dans un lieu isolé et exigu. Finalement, on a juste un faux-raccord au montage et puis en guise de tunnel sordide une espèce de passage semi-couvert complètement ouvert sur la droite puisqu'il ne s'agit que de piliers. Où est le danger ? En quoi le lieu est-il source d'angoisse ? On a vu qu'il y avait 5 personnes juste devant, des issues pour s'échapper et suffisamment de place pour courir...


Les voix ne sont pas assez audibles, on entend mal ce qui est dit. Le montage et le mixage audio sont médiocres, parfois les voix se superposent presque, elles n'ont pas le même volume sonore ni le même rythme de diction. On voit clairement qu'il s'agit de différents extraits enregistrés en plusieurs fois qui ont été montés tant bien que mal. On ressent un cruel manque de fluidité et d'authenticité dans le propos. On a le coup de l'image qui passe du noir et blanc aux couleurs lors du dénouement pour symboliser la délivrance. Basique, simple, efficace, mais éculé. De plus, même si en soi ce n'est pas un détail très important, la comédienne ne court pas très bien. Disons qu'elle ne maîtrise pas vraiment la gestuelle, la technique ni même le vestimentaire du coureur. Mais bon, finalement, c'est une très belle représentation visuelle du joggeur parisien du dimanche qui n'a pas la moindre idée de ce qu'il fait mais qui le fait quand même parce-que c'est cool, ce qui contre toute attente apporte du crédit à la mise en scène, comme quoi tout est relatif. Car oui, pour les citadins, courir c'est cool.


En définitive, le souci majeur réside dans le fond du court-métrage, au sein-même du propos et du message véhiculés. Nous avons en face de nous un magnifique exemple de discours caractérisé par un usage exclusif des poncifs et autres sophismes qui se complaît dans un relativisme et un universalisme absolus, faisant le choix de la facilité en mettant tout le monde dans le même sac sans prendre l'effort de creuser la question et de chercher des facteurs qui puissent être favorables aux conséquences si ouvertement décriées. Non. Bien que le format d'une minute seulement ne facilite pas la tâche, le métrage se contente de dire que tous les hommes sont une menace potentielle, peu importe le lieu, l'âge de l'individu, ses caractéristiques physiques ou intellectuelles, sa classe socio-culturelle etc. À l'écran, on utilisera un biais frauduleux en faisant incarner l'allégorie du mal par un blanc chauve avec un masque le rendant très difficilement identifiable afin de rester vraiment très « cosmo-politiquement correct » et ne prendre aucun risque.


Pourtant chers amis, je vais vous dire un secret, il existe en France un endroit miraculeux où la peur de l'agression n'existe pas, une zone bénite qui représente quand même approximativement 75% du territoire métropolitain et que l'on appelle : la zone rurale. Et oui ! Aussi étonnant que cela puisse paraître, nous qui vivons dans des petits villages de 4000 habitants - parfois beaucoup moins - entourés par champs et forêts, nous qui vivons dans « le trou du cul de la France » et qui sommes moqués et méprisés, par vous les citadins, parce-que l'âge moyen des habitants de la commune avoisine les 59 ans et que le maire pro-parti FN en est à son sixième mandat (drôle mais véridique le plus souvent)... nous n'avons pas ce problème. Nous en avons d'autres bien entendu, mais personne en zone rurale, homme comme femme, redoute une agression en se promenant dans la rue.


Il peut alors être intéressant de ce dire que certains - beaucoup de - problèmes ne sont peut-être que des problèmes de citadins. Problèmes eux-même engendrés par le mode de vie citadin ? Par la mentalité citadine ? Dans une logique de continuité, il peut également être intéressant de se demander si les zones urbaines, ces décharges à ciel ouvert que vous appelez « villes », ne sont pas des endroits toxiques peuplés de gens toxiques aux mentalité toxiques. Peut-être que l'individualisme, l'égocentrisme et la lâcheté des citadins, ainsi que la politique ultra-laxiste et libérale, qui est appliquée dans ces agglomérations décadentes depuis des décennies, sont à l'origine des dérives actuelles qui sévissent dans ces endroits précis. Il faut se poser les bonnes questions au lieu de désigner honteusement un ennemi commun, si flou et large dans son identification qu'il ne désigne personne en particulier, afin de se dédouaner et de ne pas prendre le risque d'offusquer quelque communauté qui soit.


Pour conclure, ce n'est pas très bien réalisé, il y a des erreurs qui sont pourtant facilement évitables. Ce n'est pas très approfondi, on sent bien qu'il n'y a aucun travail de recherche ni aucune volonté de vouloir aller un peu plus loin que les sentiers battus du bon ton et du politiquement correct. La forme et le fond sont à revoir. Le traitement est hors-sujet, sans parler de la platitude du discours. C'est à jeter, je ne parviens pas à voir la lueur au bout du tunnel, et je me sens poursuivi.

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le 26 nov. 2020

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