Je le dis direct, je ne suis pas un très grand fan des catégories 3.
Même si j'aime le principe et que je trouve ça ultra intéressant, j'avoue que la plupart du temps j'y vois des films assez grossiers cherchant plus à faire du dégueulasse qu'autre chose.
Et même si c'est une expérience, un travail louable (bien que moralement douteux), ce n'est pas ce que je préfère dans le cinéma.
Vous avez vu la note, vous savez que j'ai adoré celui ci. Donc inutile de tenter un pseudo suspense déraisonné.
Le but de cette introduction n'était évidemment pas d'induire en erreur, mais de porter un propos.
Si j'adore Run And Kill, ce n'est pas parce que c'est un film de Cat 3, mais parce que c'est un véritable film avant tout.
Un film d'un genre assez indéfini (je ne dirai pas thriller, ce terme ne veut rien dire), et qui est construit comme une descente aux enfers, comme jamais aucune autre œuvre n'a osé le faire.
Le scénario de base est simple.
Un bonhomme rondouillet et tout joyeux rentre chez lui et trouve sa femme en train de le tromper.
Il part donc se soûler dans un bar, et suite à un mélange d'alcool et de quiproquo, finit par demander l'exécution de sa femme. Et ensuite..... Pas mal d'autres choses s'ensuivent, dirons nous.
Une base qui fait d'ailleurs penser à celle de Fargo, la série, quand on y pense.
Sauf que là où Fargo utilise cette mort comme une libération pour le personnage, afin qu'il puisse s'épanouir et se libérer d'un poids, dans Run and Kill c'est assez différent.
Aucun humour noir ici, aucune pitié.
Un ton dépressif. Plus noir que noir. Glaçant et brûlant à la fois. C'est complètement fou.
D'autant que le début du film est construit comme une petite bulle de bonheur presque niaise.
Le père joue avec son adorable fille. Il chantonne. Il aime tout le monde, et tout le monde l'aime.
Un ton "tout joli, tout doux" totalement assumé, qui permettra de poser ses uniques petites touches d'humour avant que l'enfer ne commence.
Ensuite un meurtre. Ou plutôt 2.
Et après, plus rien ne va, et plus personne ne rit.
Alors oui, c'est violent. Franchement violent.
Même si à mon sens niveau violence visuelle, c'est clairement un des Cat 3 les plus soft.
Ici la violence est morale (évidemment) et aussi psychologique.
Tout s'enchaîne. Tout est effrayant.
Rien ne va.
Tous les personnages sont mauvais, violents. Indignes de confiance.
Les quelques espoirs se brisent bien rapidement, et les attaches meurent, horriblement.
Une des excellentes idées du film est sa construction.
C'est rapide, condensé (le film fait un peu moins d'1h30), alors on a une réelle impression de course à la mort, même dans les moments plus calmes.
Les événements se succèdent, avec un montage efficace, simple mais bien fichu.
On a affaire à pas mal de retournements de situation, de sorte à malmener avec sadisme le personnage principal, et donc les spectateurs.
Autre idée géniale de l'œuvre : son antagoniste.
Qui n'obtient ce rôle qu'à la fin du film presque.
Ça aussi c'est ultra déroutant et bien pensé. D'autant qu'il était à la base une forme de super-héros rassurant et badass derrière lequel le héros peut se cacher.
Car la maestria du film n'est pas de nous dévoiler un personnage qui va chuter de plus en plus dans les méandres de l'horreur, de la panique et de la violence.
Mais de nous en présenter 2.
-Un ancien soldat traumatisé, qu'un énième élément déclencheur rendra monstrueux et terrifiant.
-Ainsi qu'un bon père de famille, un peu lâche et froussard, qui malgré lui sera embarqué dans cette course infernale.
Les acteurs, c'est du tout bon. C'est même assez admirable comme performances.
Kent Cheng (dont c'est probablement le meilleur rôle à ma connaissance) est parfait en papa-poule qui voit sa vie s'effondrer. Son visage presque constamment transpirant, son air terrifié et ses hurlements à la mort... On a constamment pitié du personnage, on empathie, on se met à sa place et on souffre à ses côtés.
Sûrement le personnage idéal, à l'écriture parfaite pour ce genre de film.
Simon Yam, a l'évolution tout aussi intéressante. Soldat brisé, perturbé et finalement assez touchant par moment. Mais qui lui aussi dérive dans ce qu'il y a de plus sombre..
Une mise en scène efficace. Simple. Sobre. Sans artifice.
Les déambulations dans le Hong-Kong nocturne au début ne sont pas dénuées de poésie.
Et ensuite le cauchemar. Plus de jolis néons. Des hangars froids, humides.
Des forêts immenses et oppressantes. Des rues poisseuses de nuit.
Et du feu...
D'ailleurs, même si on ne peut contester la violence générale du film, je pense que c'est en réalité une seule scène qui lui a valu d'être classé en Cat 3.
Cette scène terriblement traumatisante, qui encore aujourd'hui me choque énormément.
Une scène qu'on ne reverra nulle part ailleurs. Et qui montre le délire jusqu'au-boutisme du film à vouloir faire souffrir son personnage principal.
Mais jamais dans un but de torture-porn comme les autres Cat 3 peuvent le faire. Ici la souffrance est bien plus psychologique. Bien plus réfléchi. Et finalement, bien plus efficace !
Vous vous êtes déjà demandé comment vous venger d'une personne de façon à la faire souffrir un maximum ? Vous pensiez que J'ai Rencontré Le Diable donnait une réponse à cette question ? Vous pensez qu'aucun film n'a traité le sujet aussi loin ?
Vous n'avez pas vu Run and Kill..
Run and Kill est cette petite perle culte qu'il faut absolument voir.
Chef d'œuvre de violence sous toutes ses formes.
Derrière ses airs de film de série B, sans gros budget, sans grandiloquence, sans prétention, le film reste un fleuron du genre, un des plus exemplaires et un des moins opportunistes.
Un représentation d'un cauchemar, de manière ultra concrète et plus que réaliste.
Une expérience folle. A la violence très présente certes, mais aussi ultra bien pensée et intelligente dans son récit et sa construction.
Le plus intelligent des Cat 3 que j'ai vu. Le mieux pensé. Le plus sincère aussi.
Et sans doute le meilleur !