L’affiche de Safe Word, dernier film de la deuxième opération Roman Porno Reboot) m’incitait à la prudence car moi, je n’ai jamais été très client des films SM de la Nikkatsu dans lesquels les femmes sont ficelées comme de vulgaires saucissons de foire avant d’être fouettées sur les parcelles les plus sensibles de leur délicat épiderme. Souvent barbants, glauques, répétitifs, et, pour ma part, guère émoustillants.

Mais voilà, Safe Word (l’expression désigne un ou plusieurs mots que l’esclave partage avec son maître lorsque les petits jeux deviennent par trop dangereux, pour lui faire comprendre que, c’est bon, il a sa dose), est un film SM d’un genre particulier. Vous aimez depuis toujours les roman porno SM ? Mais aussi les roman porno comiques ? Et même les roman porno WTF ? Félicitations, vous allez être servi, puisque Safe Word appartient en fait au roman porno SM comique WTF. Jugez plutôt :

Misa est une idole de troisième zone rencontrant peu de succès dans son rôle d’idole chanteuse-catcheuse (nom de scène : Misa the Killer). Mais un jour qu’elle file une mornifle à un otaku qui l’énerve, elle est remarquée par un ami gay qui lui demande d’entrer et de travailler au H Club, club SM dans lequel officie Kanon, brune hautaine mais sachant fort bien manier le fouet, et qui va bientôt lui apprendre ce que c’est d’être une esclave SM avant d’être elle-même une dominatrice hors pair.

Vous l’avouerez, des idoles chanteuses-catcheuses-dominatrices au cinéma, on n’en trouve pas tous les jours. Eh bien c’est ce que proposent Koji Shiraishi (surtout des série B horrifiques à son actif) et Kohei Taniguchi (le scénariste) pour ce roman porno qui finalement échappe au crapoteux (on est loin des horreurs d’un Rope Cosmetology de Shogoro Nishimura) pour proposer une heure et demie assez réjouissante, joliment portée par Chisako Kawase, petite boule d’énergie qui se donne bien sur scène devant son parterre d’otakus en liesse (car oui, associé à son travail de dominatrice et surtout à son réel amour envers Kanon, son costume d’idole va finir par séduire), mais qui se donne bien aussi lorsqu’elle tombe dans les mains de sa dominatruice.

Ici, l’amateur de roman porno se souvient sans doute qu’autrefois, le prestigieux titre de SM Queen avait été pu être décerné à des actrices qui avaient su montrer beaucoup d’art et de grâce dans l’art d’être ficelée, fouettée ou couvertes de pisse. Chisako Kawase allait-elle rejoindre les glorieuses Naomi Tani, Junko Mabuki, Ran Masaki et autre Izumi Shima ? Certes non, car le film reste finalement assez sage dans ses scènes érotiques. En revanche, si après les « scream queens » on devait imaginer le concept de « moan queen », alors là, kawase aurait toute ses chances ! Gros travail effectivement sur le gémissement, le halètement ou même le feulement. Exagération qui m’a fait sourire, sans doute le même type de sourire que j’ai pu arborer devant certains excès de l’excellent Naked Director. De même, l’approche faux documentaire (toutes les scènes sont filmées par une amie photographe de Misa) sonne comme un amusant clin d’oeil aux roman porno dokyumentary, sous-genre qui n’avait jusqu’à présent pas été revisité par les réalisateurs de ces deux Roman Porno Reboot. Quant aux répliques sur la beauté et la nécessité d’être un pervers, je n’ai pu m’empêcher de songer à certaines scènes de Love Exposure (Ah ! Sono ! En voilà un qui pour le coup, aurait dû être moins pervers, ça lui aurait évité d’être mis durablement au ban des réalisateurs japonais).

Pinku assez réjouissant donc, que ce Safe Word moins glauque que passionnée, et même doublement puisque le titre original (Aisheteru, je ne ferai pas l’insulte au lecteur de ce site d’en donner la traduction) souligne qu’il s’agit avant tout d’une belle histoire d’amour, d’une vraie… et qui saura générer d’ultimes gémissements kawasesques lors du générique de fin.

Bref, une amusante découverte et peut-être le meilleur opus de cette deuxième vague de l’opération Roman Porno Reboot.


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le 18 mars 2024

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