Grand admirateur d'Antoine de Saint-Exupéry et de son Petit Prince (livre le plus lu au monde après la bible), le réalisateur argentin Pablo Agüero rend dans ce film, en français, un vibrant hommage à ce légendaire écrivain, poète et aviateur de l'Aéropostale.
Se concentrant exclusivement sur cette semaine de juin 1930 qui a vu la bataille héroïque de Saint-Ex et son grand ami Henri Guillaumet (pilote mythique de l'Aéropostale, auquel Saint-Ex rend hommage dans Terre des Hommes), pour tenter la traversée de la Cordillère des Andes, entre Mendoza et Santiago, avec leur avions incroyablement fragiles de l'époque, ce film n'est absolument pas un biopic, malgré son titre, comme l'était le Saint-Ex de Anand Tucker en 1996.
Passée la déception (ou pas), on comprend que le réalisateur, né à Mendoza, voulait d'abord faire revivre l'épopée des Andes, en filmant "sa" magnifique chaîne de montagnes, nous offrant avant tout un film plein de poésie, de rêverie et de symboles, où les avions ballotés dans le vent apparaissent davantage comme de grands oiseaux, plaqués qu'ils sont dans un tel décor grandiose, donnant un côté assez irréel aux exploits de ces fabuleux aviateurs.
Il n'empêche que l'intrigue et la mise en scène ne manquent pas d'attrait et de suspense, autour de 3 personnages, Saint-Ex, Guillaumet et sa femme Noëlle, avec un casting fabuleux, respectivement Louis Garrel (se cherchant quelque peu au début dans le rôle de Saint-Ex, apparaissant comme un bien piètre pilote étourdi et rêveur), Vincent Cassel (impeccable en aviateur chevronné et convaincu de franchir la cordillère) et Diane Kruger (parfaite comme épouse aimante et inquiète). La très belle bande sonore de Christophe Julien contribue à la symbolique légendaire du film.
Dans cette adaptation libre de l'histoire, Pablo Agüero prend l'angle économique de la compagnie aérienne, dont l'objectif est de livrer le courrier dans les meilleurs délais et à moindre coût, par la voix radio de son directeur (celle de Benoît Magimel) que l'on ne voit jamais, faisant ainsi comprendre que la vie de ses pilotes passe après celle de son entreprise.
Audacieux et téméraires, d'abord Guillaumet puis Saint-Ex quand son ami disparaît dans la montagne, vont rivaliser d'idées folles pour sauver l'Aéropostale, comme doter la route de phares pour voler la nuit, ou envisager une traversée directe de la chaîne en équipant de turbo leurs moteurs, ou bien gagner de l'altitude en profitant de courants ascendants chauds, à l'instar de ces immenses Condors dont les Andes sont le royaume.
Et pour témoigner de l'indéfectible amitié de Saint-Ex pour Guillaumet, le réalisateur nous montre par des flashbacks bien distillés la douleur infligée par la maladie puis de mort de son frère François : "j'ai perdu un frère, je n'en perdrai pas un deuxième" dit-il au moment de son dernier envol !
Par contre, pourquoi montrer à la fin le rôle de Saint-Ex lors la seconde guerre mondiale contre le fascisme et son avion abattu à 20 jours de sa fin (soit 14 ans après cette histoire), comme pour lorgner vers le biopic ou justifier son titre ? Cela m'a semblé bien inutile et appauvrit la beauté onirique de l'ensemble. A voir tout de même pour revivre (en partie) la légende.